Neutralité carbone : l’action de la France jugée “insuffisante” par le Haut Conseil pour le climat

L’action de la France pour réduire ses gaz à effet de serre et tenir ses engagements climatiques est “insuffisante”, estime le Haut Conseil pour le climat dans son premier rapport, remis mardi au Premier ministre.

La France, mauvaise élève de la lutte contre le réchauffement climatique ? C’est ce qui ressort du premier rapport publié par le Haut Conseil pour le climat (HCC), mis en place par Emmanuel Macron. “Objectifs ambitieux” mais “actions insuffisantes”, “dispositifs trop faibles”… La nouvelle instance invite le gouvernement à revoir sa politique de lutte contre le réchauffement.

“Les actions engagées restent insuffisantes, alors que l’ensemble des politiques climatiques devrait dès maintenant être renforcé”, note cet organisme indépendant dans son premier rapport, publié mardi 25 juin en plein cœur d’une canicule qui devrait se répéter avec le dérèglement en cours.

Ce diagnostic d’une cinquantaine de pages, intitulé “Agir en cohérence avec les ambitions”, a été remis mardi soir au Premier ministre Édouard Philippe. Le gouvernement a six mois pour y répondre devant le Parlement.

“Au rythme actuel, les engagements ont peu de chance d’être tenus”

Le HCC, composé de onze experts reconnus, y salue la décision du pays d’inscrire dans la loi un objectif de neutralité carbone en 2050 (impliquant que la France n’émette pas plus de gaz à effet de serre que ses “puits” – sols, forêts… – ne peuvent en absorber), qui sera examinée mercredi après-midi à l’Assemblée.

Mais “au rythme actuel, les engagements de la France ont peu de chance d’être tenus”, explique sa présidente, la climatologue Corinne Le Quéré.

“Tant que l’action en réponse au changement climatique restera à la périphérie des politiques publiques, la France n’aura aucune chance d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour cela il faut que les mesures pour réduire les émissions deviennent une priorité nationale, au cœur des décisions des acteurs publics et privés”, souligne la scientifique, co-auteur de trois rapports du Giec.

Un message clair au moment où les débats sur le projet de loi énergie et climat, qui démarrent mercredi après-midi à l’Assemblée, s’annoncent musclés : si ce texte redonne “le cap d’une ambition forte” selon le gouvernement, il déçoit oppositions et ONG, notamment sur les “passoires thermiques” (logements mal isolés).

Porté par le ministre de la Transition écologique François de Rugy, le projet de loi, prévoit d’atteindre la “neutralité carbone” à l’horizon 2050 et décrète l'”urgence écologique et climatique”. Mais il décale aussi de 10 ans, de 2025 à 2035, la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique.

Le pays devra diviser ses émissions de gaz à effet de serre au moins par six, et ce alors que l’épisode de canicule en cours est “une conséquence concrète de l’effet de serre”, a déclaré François de Rugy devant les députés mardi.

Sur ces quatre dernières années, en tout cas, la France n’a pas tenu ses objectifs de réduction d’émissions, et si 2018 a été meilleure, les conditions météo y ont largement contribué, note le rapport du HCC.

En cause notamment, les transports (31 % des émissions) : la demande croît, l’électrification est en retard, mais aussi les bâtiments (19 % du total).

Réformes structurelles nécessaires

Pour le Haut Conseil, il faut des réformes structurelles pour mettre le climat “au cœur de l’action publique”. Il préconise d’inscrire dans la loi les objectifs à court terme de réductions d’émissions, pour les graver et envoyer un signal à tous les acteurs.

Que chaque grand projet soit compatible avec l’objectif neutralité carbone, que l’impact des lois soient évaluées : “Qui peut nous dire l’impact sur les émissions de la loi sur les mobilités (LOM), ou de la loi Egalim (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, promulguée à l’automne, NDLR) ?”, souligne Corinne Le Quéré.

Conçu sur le modèle du conseil britannique installé depuis 10 ans, le HCC a été mis en place fin novembre en pleine crise des Gilets jaunes. Son but : livrer un regard scientifique sur l’action publique, sur le long terme.

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