Affaire Khashoggi : entre Trump et les Saoudiens, les bons comptes font les bons alliés

Alors que l’affaire Khashoggi vaut à Riyad de nombreuses critiques, le président américain est accusé d’avoir été trop clément avec l’Arabie saoudite. La faute, selon ses détracteurs, à des liens financiers trop étroits avec la monarchie du Golfe.
“Je n’ai pas d’intérêts financiers en Arabie saoudite.” Critiqué pour avoir suivi la ligne de défense saoudienne dans l’affaire de la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, le président américain Donald Trump a assuré, mardi 16 octobre, n’avoir rien à gagner financièrement en soutenant Riyad. Rien n’est moins sûr.

En réalité, le locataire milliardaire de la Maison Blanche s’en sort avec une pirouette. En l’absence de ses déclarations fiscales, il est effectivement impossible de dire si son empire fait actuellement des affaires en Arabie saoudite. Donald Trump a bien tenté, en 2015, d’ouvrir huit entreprises dans le royaume, mais il a décidé d’abandonner cette initiative après son élection. Il n’en reste pas moins que les liens commerciaux entre le magnat de l’immobilier devenu président et Riyad sont profonds et remontent à loin.

“Ils m’achètent des appartements”

Durant la campagne présidentielle de 2016, le candidat républicain a reconnu, à plusieurs reprises, avoir souvent vu la couleur des pétrodollars. “Je m’entends très bien avec les Saoudiens ; ils m’achètent des appartements. Ils ont dépensé 40 à 50 millions de dollars”, avait-il notamment affirmé en août 2015, quelques mois après s’être lancé dans la course à la présidentielle.

Le milliardaire peut remercier personnellement la monarchie du Golfe pour l’avoir sorti d’ennuis financiers par deux fois dans le passé. En 1991, le prince saoudien Al-Walid ben Talal avait signé un chèque d’environ 20 millions de dollars pour acquérir un yacht appartenant à Donald Trump. Des fonds qui arrivaient à point nommé pour l’homme d’affaires américain, qui croulait alors sous les dettes et dont les casinos peinaient à générer des profits. Quatre ans plus tard, le même prince était revenu au chevet d’un Donald Trump toujours en eaux financières très troubles. Al-Walid ben Talal avait alors accepté de racheter 51 % des parts de Donald Trump dans le Plaza Hotel, l’un des établissements les plus célèbres de New York et un gouffre financier pour le magnat américain de l’immobilier.

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À l’époque, l’Arabie saoudite semblait avoir pris l’habitude d’investir dans les propriétés du milliardaire. En 2001, le royaume a acquis l’intégralité du 45e étage de la Trump World Tower pour 12 millions de dollars. C’est encore à ce jour la plus importante vente réalisée dans ce bâtiment, fleuron de l’empire Trump.

Le flux d’argent en provenance du Golfe ne s’est pas arrêté avec l’élection du magnat. Début 2018, le Trump International Hotel de New York a réussi à mettre fin à deux années de pertes grâce une visite de cinq jours de l’entourage du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), a rapporté le Washington Post en août 2018. Ce séjour a fortement contribué à une hausse de 13 % du chiffre d’affaires de l’établissement sur les trois premiers mois de l’année, a assuré Prince A. Sanders, le responsable de l’hôtel, dans un courriel obtenu par le quotidien américain.

Tel beau-père, tel gendre

Des hommes d’affaires saoudiens ont, aussi, dépensé 270 000 dollars au Trump International DC, non loin du Capitole à Washington, entre octobre 2016 et mars 2017. Ces émissaires de Riyad étaient chargés de mener une campagne de lobbying pour s’opposer à une loi américaine qui permet aux Américains d’attaquer en justice des pays soupçonnés d’avoir soutenu des terroristes auteurs d’attentats, rapporte le Wall Street Journal. Ces séjours ont attiré l’attention des autorités judiciaires de Washington qui ont lancé, en août 2018, une enquête pour savoir si ces dépenses hôtelières ne pouvaient pas être considérées comme des “cadeaux” illégaux d’une puissance étrangère au chef de l’exécutif.

Dans la famille Trump, il n’y pas que le président qui s’intéresse à l’argent saoudien. Son gendre, Jared Kushner a essayé, en mai 2018, d’obtenir 100 millions de dollars d’un fonds d’investissement lié à l’Arabie saoudite pour financer une start-up immobilière qu’il possède, d’après la chaîne économique Bloomberg. Le mari d’Ivanka est en outre connu pour avoir développé une relation personnelle avec Mohammed ben Salmane. Une proximité dont le prince héritier saoudien a pu se vanter par le passé, affirmant qu’il avait réussi à mettre Jared Kushner “dans sa poche”, selon le site The Intercept.

Les médias américains craignent que cette proximité entre le clan Trump et l’Arabie saoudite influe sur la réaction américaine dans l’affaire de la disparition du journaliste d’opposition saoudien Jamal Khashoggi. La manière dont Donald Trump a accepté la version officielle de Riyad dans ce dossier a rappelé aux commentateurs la relation entre le président américain et son homologue russe Vladimir Poutine. À l’issue d’un sommet entre les deux chefs d’État à Helsinki, en juin 2018, Donald Trump avait affirmé que le maître de Moscou lui avait assuré n’avoir pas tenté d’influencer l’élection américaine de 2016. Il avait été tellement critiqué pour avoir donné l’impression de croire sur parole le dirigeant russe, que la Maison Blanche avait finalement publié un communiqué assurant que les médias avaient mal compris les propos de Donald Trump. Auraient-ils aussi mal compris l’attitude de Donald Trump à l’égard de l’Arabie saoudite ?

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