Coupe du Monde 2018 : que vaut la Russie ?

Jamais qualifiée lors des phases de poules de la Coupe du Monde depuis la dissolution de l’URSS, la sélection russe devra répondre présente lors de ce rendez-vous à domicile. Une compétition dont elle a démarré la préparation depuis huit ans. Plus que jamais, le match de demain contre l’Équipe de France (17h50) s’annonce comme un véritable révélateur pour la Sbornaïa.

Héritière de l’Équipe d’URSS victorieuse de l’Euro 1960 et demi-finaliste de la Coupe du Monde 1966, la Russie a eu du mal à rendre hommage à ses aînés. Depuis 1994 et sa première compétition sous sa nouvelle appellation, la Sbornaia n’a pas laissé une empreinte impérissable dans le football international. Qualifiée à huit reprises lors des douze dernières grandes compétitions, la Russie a souvent déçu. Même si elle est parfois sortie avec les honneurs (Coupe du Monde 1994, 2002 et Euro 2012), les ratés se sont accumulés. Seul fait d’armes notoire, un Euro 2008 brillant où les coéquipiers d’Andrei Arshavin réalisent un parcours brillant qui se conclut sur une demi-finale contre le vainqueur de l’épreuve, l’Espagne. Une génération dorée qui ne confirmera pas et dont la relève a mis du temps à arriver. Cette passe est d’autant plus difficile que le 2 décembre 2010, la Russie est désignée pour accueillir le Mondial 2018. Une première compétition footballistique sur le sol russe qui se dresse déjà comme un défi pour le pays des Tsars.

Suite à cette désignation, le pays va mettre en place des mesures radicales à l’été 2012. Fabio Capello est désigné sélectionneur. Le mot est clair, assurer la transition en permettant à une nouvelle génération d’apparaître. Très rapidement, Andrei Arshavin, Roman Pavlyuchenko, Diniyar Bilyaletdinov ou encore Yuri Zhirkov – ce dernier fera son retour – sont écartés tandis que Denis Cheryshev, Fyodor Smolov, Aleksandr Kokorin et Maksim Kanunnikov font leurs premiers pas avec la Russie. Un passage de témoin qui se met en place tout doucement et qui débouchera sur une élimination en phase de poule lors du Mondial 2014. Une déception loin d’être rédhibitoire, car Fabio Capello est confirmé dans ses fonctions. Un choix loin d’être payant puisque la Russie va être en difficulté lors des éliminatoires de l’Euro 2016 et le technicien italien sera remercié. Malgré l’arrivée de Leonid Slutski venu jouer les pompiers de service, la Sbornaïa quittera le Championnat d’Europe prématurément. Une sortie de route sans gloire qui laissait place à de grandes incertitudes.

Le magicien Cherchesov

La Russie a perdu quasiment quatre ans et doit repartir d’une feuille quasiment blanche. Pour rattraper ce retard, un nom semble tenir la corde, celui de Kurban Berdyev. Cet entraîneur turkmène réputé en Russie pour avait du Rubin Kazan un club qui compte à l’échelle nationale avec deux titres en 2008 et 2009 sortait d’un exercice accompli avec le FK Rostov. Deuxième du championnat avec une équipe qu’il avait sauvé de la relégation, il se présentait comme un candidat idéal. D’autant plus qu’il avait mis fin à son contrat avec le club pour prendre les rênes de la Russie. Finalement, Stanislav Cherchesov deviendra sélectionneur avec la volonté d’apporter davantage de cohérence dans une équipe qui en manquait jusque là. En s’inspirant du travail entamé par ses prédécesseurs, il apporte très vite sa patte et met en place une équipe mieux équilibrée. Malgré une élimination en phase de poules de la dernière Coupe des Confédérations et des rumeurs faisant part d’une éventuelle crise au sein du groupe, Stanislav Cherchesov semble avoir trouvé la bonne formule.

Tout d’abord, il décide de renouveler sa défense en écartant les frères Berezutsky et Sergei Ignashevich. Un choix fort puisque les trois hommes composaient l’arrière garde russe pendant une décennie. D’ailleurs, il n’hésitera pas à mettre au placard Artem Dzyuba (Arsenal Tula) ou Igor Denisov (Lokomotiv Moscou) pour cause de divergences. Très vite il met en place un lourd travail tactique et se concentre beaucoup sur la psychologie des joueurs. Un message qui rentre très vite dans les têtes. Défenseur de l’Akhmat Grozny, Andrey Semenov expliquait fin 2016 à Izvestia que l’arrivée de Cherchesov était bénéfique : « Avec lui, le plus important c’est la discipline, la responsabilité et il motive toujours ses joueurs. Je ne veux pas comparer. Ces deux entraîneurs aiment la discipline. Simplement, Stanislav Cherchesov est un entraîneur russophone et il lui est plus facile de communiquer avec les joueurs. » Des qualités prisées par un groupe clairement acquis à sa cause.

Un effectif conséquent

Basée sur un 3-6-1 modulable en 3-5-2, “sa Russie” affiche une belle complémentarité entre des joueurs prometteurs, de devoirs et d’expériences. Dans les buts, Igor Akinfeev (31 ans) et ses 103 capes (104 s’il joue contre le Brésil), s’apprête à disputer son second Mondial. Malgré la concurrence du jeune Andrey Lunev (26 ans, FK Zenit), le portier du CSKA Moscou conserve la confiance de son sélectionneur. En défense, la Russie est handicapée de son meilleur atout, Georgi Dzhikiya (24 ans, Spartak Moscou). Victime d’une rupture des ligaments croisés, il n’est pas sûr de reprendre la compétition à temps pour disputer la Coupe du Monde. En son absence, la charnière devrait être composée de Viktor Vasin (29 ans, CSKA Moscou) blessé pour ce rassemblement, Fyodor Kudryashov (30 ans, Rubin Kazan) et Ilya Kutepov (24 ans, Spartak Moscou) voire Roman Neustädter (30 ans, Fenerbahce). Une arrière-garde solide à laquelle s’ajoutent des pistons, très polyvalents.

Le couloir droit sera partagé entre Mario Fernandes (27 ans, CSKA Moscou), Igor Smolnikov (29 ans, FK Zenit) et Aleksandr Samedov (33 ans, Spartak Moscou) tandis que le côté gauche voit Yuri Zhirkov (34 ans, FK Zenit), Dmitri Kombarov (31 ans, Spartak Moscou) et Konstantin Rausch (28 ans, Dinamo Moscou) prendre place. Si l’âge avancé de certains cadres en défense peut soulever des interrogations, l’entrejeu fait part belle à de jeunes pépites. Parmi elles, Aleksandr Golovin (21 ans, CSKA Moscou) fait figure de facteur X. Déterminant avec sa formation, il s’est imposé depuis deux ans comme l’un des joueurs les plus solides de la Sbornaia. Capable d’évoluer à tous les postes du milieu de terrain et même sur les côtés, il dispose de nombreuses qualités et forme un entrejeu solide avec son coéquipier en club Alan Dzagoev (27 ans). Un milieu très technique capable de casser des lignes et d’organiser le jeu. Manquant parfois d’impact, ce duo peut se voir affublé d’un troisième joueur avec davantage de volume de jeu comme Daler Kuzyaev (25 ans, FK Zenit) ou Denis Glushakov (31 ans, Spartak Moscou).

Pour ce qui concerne des ailes, elles sont généralement occupées par Aleksei Miranchuk (22 ans, Lokomotiv Moscou) et Aleksandr Kokorin (27 ans, FK Zenit). Néanmoins, l’attaquant du FK Zenit a été victime d’une rupture des ligaments croisés en Europa League contre le RB Leipzig. Une blessure handicapante pour la Sbornaïa qui se voit amputée de son meilleur élément. Pour le remplacer, plusieurs pistes sont évoquées comme Aleksandr Erokhin (28 ans, FK Zenit), Roman Zobnin (24 ans, Spartak Moscou), Dmitri Poloz (26 ans, FK Zenit), Denis Cheryshev (27 ans, Villarreal) voire le Brésilien Ari (32 ans, Lokomotiv Moscou) qui pourrait se faire naturaliser russe. Enfin en ce qui concerne le rôle d’avant-centre, Fyodor Smolov (28 ans, FK Krasnodar) se dirige vers une place de titulaire tandis qu’Anton Zabolotny (26 ans, FK Zenit) devrait livrer une lutte à distance avec Artem Dzyuba (29 ans, Arsenal Tula) pour le poste de doublure.

Des interrogations demeurent

Un effectif large qui offre de nombreuses possibilités à Stanislav Cherchesov. Néanmoins, la Russie ne dispose pas encore de suffisamment de certitudes à l’heure actuelle. Si les résultats récents sont loin d’être décevants avec une courte défaite contre l’Argentine (1-0) et un nul encourageant contre l’Espagne (3-3), la lourde défaite de vendredi contre le Brésil (3-0) a soulevé pas mal d’interrogation. L’entrejeu a notamment été pointée du doigt. Coupable d’un criant manque d’impact, le milieu russe a encore une fois montré des faiblesses à la récupération. Une performance qui réanime le débat sur la présence d’Igor Denisov au sein de la Sbornaïa. Revenu à son meilleur niveau avec le Lokomotiv Moscou, le milieu terrain défensif paye ses mauvaises relations avec Stanislav Cherchesov. En 2015, alors qu’il évoluait sous les ordres de l’actuel sélectionneur russe au Dinamo Moscou, il avait critiqué ses choix avant d’être mis à l’écart. Entre son absence de la sélection depuis le 6 juin 2016 et sa relation compliquée avec Stanislav Cherchesov, il sera compliqué de le voir dans la liste des 23 Russes en juin prochain.

Au-delà de ce souci technique, le manque d’expérience de la sélection pose problème. Après avoir longtemps tâtonné dans sa reconstruction, la Russie dispose d’un groupe qui manque d’expérience au niveau international. Si le groupe appelé pour la trêve de mars affiche un âge moyen de 27,75 ans, seulement 4 joueurs dépassent les 50 sélections Igor Akinfeev (104 capes), Yuri Zhirkov (81 capes), Denis Glushakov (51 capes), Alan Dzagoev (54 capes). Un chiffre assez inquiétant puisqu’il ne s’explique pas par la jeunesse de ses joueurs. Toutefois, ces derniers se défendent en soulevant l’apparition d’automatismes à l’image d’Aleksei Miranchuk dansIzvestia : « Après chaque match avec l’équipe nationale, tout devient plus clair. Nous essayons de répondre à toutes les exigences du sélectionneur. Stanislav Cherchesov est un entraîneur très compétent tactiquement. Et, bien sûr, c’est un mentor avec une haute discipline. » Adversaire de la France ce mardi, la Russie souhaite relever la tête après la défaite contre le Brésil. Motivé, Daler Kuzyaev s’attend à un match difficile comme il l’explique dans Sport Express : « Elle (La France) ne souhaite certainement pas une deuxième défaite d’affilée. Cet adversaire n’est pas plus faible que le Brésil. » Un nouveau test pour la Sbornaïa qui démarre sa Coupe du Monde le 14 juin face à l’Arabie Saoudite.

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