Et si le Sénégal refusait la transparence et la bonne gouvernance (Mouhamed Habib Ndiaye) 

Depuis 2012, l’opinion nationale s’interroge sur l’efficacité des corps de contrôle. On constate qu’ils accumulent les rapports qui normalement devraient être publiés à la fin de chaque année pour garantir la transparence dans la gestion des affaires publiques.
Pourtant le président Macky Sall, dès son arrivée au pouvoir, avait déclaré la guerre à la mal-gouvernance. Ainsi dans son discours-référence du 3 avril 2012, il indiquait ceci : « S’agissant de la gouvernance économique, je serai toujours guidé par le souci de transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse des affaires publiques. Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux. Je compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’Etat la plénitude de leurs attributions. L’assainissement de l’environnement des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur. »
Cependant qu’en est-il de la réalité ?

_ La Cour des comptes : son dernier rapport remontait à 2014. Ce n’est qu’en Février 2020 qu’elle a publié 3 rapports (2015, 2016 et 2017) et nous doit en même temps 2 autres rapports ceux de 2018 et 2019.

Le premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, s’est exprimé le samedi 1 février 2020 sur le retard de la publication des rapports 2015, 2016 et 2017, avant d’écarter toute pression politique, lors d’une conférence de presse qui fait suite à la remise des documents au chef de l’État, Macky Sall. Il a évoqué des difficultés internes liées au manque de personnel et de fonds, avant de promettre qu’il y aura un changement. A l’en croire, ce retard n’a rien à voir avec une quelconque pression politique. M. Faye a, par ailleurs soutenu que les rapports 2018 et 2019 seront remis au Président au plus tard en octobre 2020.

_ L’Inspection Générale d’État avait publié son dernier rapport en 2015. Elle vient de nous livrer 4 rapports (2016, 2017, 2018 et 2019). Va t’on traiter rigoureusement et sérieusement ces nombreux rapports ?

À titre illustratif, renseigne le rapport de l’IGE, au titre du programme de 2018, la Direction du Matériel et du Transit administratif (DMTA), dépendant du ministère des Finances, avait prévu d’acheter 80 véhicules du type 4X4 et vingt 20 Berlines, soit cent (100) véhicules, ainsi que quarante (40) motocyclettes.

Pour la même année, la CCVA a reçu, pour avis, 194 demandes émanant des ministères, agences et structures assimilées, établissement publics, collectivités territoriales, projets assimilés pour l’acquisition de 484 véhicules 4X4 ou 4X2, 290 berlines et 108 utilitaires, soit un total de 882 véhicules auquel il faut ajouter 306 motocyclettes.

Il faut noter cependant, que le peuple sénégalais ne sait pas jusque-là, quel est le sort qui a été réservé aux rapports précédents ? Autrement dit, quelles sont les sanctions réelles qui ont été prises à l’encontre des incriminés, qui avaient été épinglés par les rapports précédents ? la réponse, aucune !
Et plus grave, non seulement, ces derniers n’ont pas été sanctionnés sévèrement comme il se devait, à la dimension de la gravité des fautes commises, mais certains d’entre eux et parmi les cas les plus graves ont été même recyclés et remis politiquement dans le circuit sans la moindre sanction, par le président Macky Sall lui-même.

_ L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) : En mars 2020, cet organe avait remis 2 rapports d’activités, notamment ceux de 2017 et 2018. Dans ces rapports, l’Ofnac a estimé qu’il y a certains dossiers qui nécessitent l’ouverture d’une information judiciaire. C’est dans ce contexte qu’il a transmis ces derniers au procureur de la République qui a son tour doit jouer sa partition. L’a-t-il fait, je m’en doute !

Quand la première patronne de l’Ofnac, Nafi Ngom Keita, avait publié ses rapports 2014 et 2015, les tenants du pouvoir y compris le chef l’avaient crucifié pour avoir eu le courage de mettre à nu la gestion scandaleuse de certains de leurs camarades à la tête d’entreprises publiques ou parapubliques.

A quoi servent les corps de contrôles, s’ils peinent à publier des rapports périodiquement. Et à quoi servent les rapports de ces institutions, si l’on sait qu’aucune suite sérieuse ne suivra. Des rapports produits et qui ne sont pas publiés, des rapports transmis et qui ne connaissent pas de suite, des rapports déclassifiés, des rapports mis sous le coude du Chef de l’État…

Que de magouilles, que de détournement de fonds, que d’emplois fictifs, que de surfacturation, que d’impunité, que sais-je encore ?
Où en est-on avec les dossiers PRODAC, COUD, Poste, PETROTEAM… ? Pour ne citer que ceux là.

Monsieur le Président, les corps de contrôle constituent des ingrédients indispensables pour la transparence et la bonne gouvernance de notre cher pays. Leur effectivité et leur utilité dépendent de votre volonté, c’est votre devoir. Les derniers publics appartiennent au peuple, les dilapider, une trahison. Ai-je besoin de vous rappeler que le pouvoir doit être un instrument de travail et non un moyen de s’enrichir.

Nous devons éviter de faire de la politique une cosmétique qui maquille seulement les indésirables de la nation car le jeu d’apparence est quasiment nul. A un moment, la comédie atteindra ses limites pour se heurter à la réalité, nous apprend Serigne Moustapha Sy, Président du PUR lors du 1er congrès du parti en 1998.

#Les_indicateurs_de_la_Bonne_gouvernance : Indépendance des administrateurs, Intégrité, Reddition des comptes, Transparence, Flexibilité, Respect de l’environnement, Planification stratégique, Équité et équilibre.

Mouhamadou Habib NDIAYE juriste-politiste

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