Les clubs français se lancent timidement à l’assaut du prometteur marché colombien

Chaque année, des recruteurs du monde entier se donnent rendez-vous au tournoi de Las Americas en Colombie pour aller superviser les dernières pépites du continent. Jusque-là, les clubs français ne prêtaient pas vraiment attention à ce marché pourtant prometteur mais les choses sont en train d’évoluer.
James Rodriguez, Juan Cuadrado, Yerry Mina, Davinson Sanchez, Santiago Arias ou encore David Ospina ont tous un autre point commun. Outre celui d’avoir porté le maillot de la Colombie cet été en Russie, ils ont tous participé durant leur apprentissage de jeune footballeur au tournoi de Las Americas. Cette compétition de jeunes oppose les principales académies du pays, les meilleurs clubs et des sélections étrangères. C’est l’une des plus renommées sur le continent sud-américain et sa 17e édition se déroule en ce moment (du 25 octobre au 5 novembre) au centre d’entrainement du Deportivo Cali. L’occasion pour les recruteurs du monde entier d’aller observer les pépites cafeteros, mais aussi de tout le continent, des catégories U15, U17 et U19.

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L’affiche du tournoi

C’est notamment le cas de Martin Levy, agent français travaillant sur la Colombie, l’Uruguay et l’Argentine. « Ce tournoi prend un peu plus d’ampleur chaque année. Il y a de plus en plus de recruteurs. Là, il y en a une cinquantaine avec presque tous les principaux pays européens mais depuis cette année, il y a même des Chinois, des Turcs, des Moldaves… Parce qu’il y a une belle génération en plus cette année. Ça se professionnalise, c’est très intéressant », lance-t-il en préambule. Unique représentant français sur ce tournoi, Martin Levy fait figure d’exception alors que tous les gros clubs européens (Bayern Munich, Juventus, Atlético Madrid, Real Madrid, Arsenal, Liverpool, Porto, Ajax Amsterdam…) ont envoyé un superviseur. Mais pas seulement. Elche, Levante, le Rayo Vallecano, Groningen, Hambourg, Bâle, Brescia, des équipes moins importantes sont présentes pour y dénicher les bonnes affaires.

Les clubs français progressent mais sont encore trop conservateur
« Il y a des pays qui ont besoin de recrues plus malignes. Ils savent qu’ici il y a des choses à faire et à voir. C’est sûr qu’ici, la plus-value peut être intéressante, car il y a des supers joueurs qu’on peut avoir pour pas trop cher. Les joueurs sont intéressants pour les championnats européens, comme pour les clubs français. Ils ont des caractéristiques qui leur permettent de s’adapter plutôt facilement aux championnats français », assure Levy, convaincu que les jeunes joueurs colombiens peuvent bien s’intégrer en France, malgré une tradition tricolore davantage portée sur le Brésil, l’Argentine mais aussi l’Afrique.

La Colombie reste un marché encore trop inexploité par nos cellules de recrutement, souvent accusées pour leur manque d’imagination et de professionnalisme. C’est encore lent mais les choses commencent à bouger, à l’image d’Amiens, qui avec l’un des plus petits budgets du championnat, doit passer par un recrutement plus malin que les autres. Le club picard s’est offert les services à l’été 2017 de Stiven Mendoza (2 buts en 13 matches la saison dernière), acheté 1M€ aux Corinthians ou de l’attaquant Juan Otero (0 but en 10 matches de championnat), recruté pour 2,5M€ en provenance d’Estudiantes en juillet dernier.

Les pays européens sont en avance sur la France
« Historiquement, il y a des circuits préférentiels. Et puis les clubs français sont moins structurés, staffés que d’autres clubs dans leur cellule de recrutement. Pour les faire bouger en Amérique du Sud, c’est tout bête mais j’ai l’impression qu’ils ne parlent pas souvent espagnol. En gros, ils ont leurs copains en Afrique ou ailleurs et je trouve ce fonctionnement un peu amateur. Quand je parle d’un Colombien à un club français. On me dit souvent : “oui pourquoi pas mais la Colombie, il faudrait que je vienne le voir mais venir, c’est loin, c’est compliqué”. C’est un petit peu en train de changer et à se savoir aussi. Des clubs m’ont demandé de leur faire une première sélection », assure Martin Levy.

Les joueurs colombiens passés par Las Americas

Peur d’une mauvaise adaptation, manque d’idées, réseaux insuffisants, les clubs français ont toujours cette réputation d’être frileux. Pourtant les joueurs colombiens n’ont pas plus de problèmes que les autres pour performer en Europe. Ils sont quelques-uns à avoir fait le grand saut en rebondissant en Suède, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Des pays pas vraiment réputés par la douceur de leur climat et leur maîtrise de l’Espagnol. « Tout ce qu’il faut, c’est savoir comment tu adaptes ton joueur. 90 % du travail, c’est ça : bosser le mental, faire en sorte qu’il se sente bien quand sa famille vient. Si les Belges, les Allemands ou les Suédois savent le faire, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire. Le pari n’est pas si énorme en réalité, car tant qu’ils sont en Colombie, ils ne valent pas trop cher et s’ils arrivent en Europe, ils peuvent exploser. »

La Ligue 1 a refusé des internationaux colombiens ces dernières années
Et à ce petit jeu, la Ligue 1 a déjà vu pas mal d’internationaux colombiens lui passer sous le nez ces dernières années. Il serait temps que cela cesse. « Chez les U17, les clubs prennent des nouvelles régulièrement pour éventuellement passer à l’action quand ils seront majeurs, explique Levy. Cette année à Las Americas, j’ai 3 ou 4 joueurs vraiment intéressants en U19, qui sont déjà dans les académies et pas cher. Quelques-uns ont d’ailleurs déjà fait des essais à Manchester United ou au Bayern Munich. Ils ont été invités, car les clubs veulent les voir sur place mais pour le moment ils sont toujours là. Et même si le Bayern refuse, cela ne l’empêche pas d’avoir sa place en France. »

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