Les Talibés : Ces Enfants Pas Comme Les Autres.

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Les Talibés : Ces enfants pas comme les autres.
La Journée de l’Enfant Africain,  célébrée le 16 Juin prochain, est une opportunité de revenir sur la situation des talibés au Sénégal et la réflexion qui doit être menée, collectivement, pour permettre à ces enfants d’accéder à une vie de meilleure qualité.

Le Sénégal est un pays connu à travers le monde pour son savoureux thiebou jën, ses cars rapides bigarrés mais aussi pour ces enfants qui, censés apprendre le Coran, errent dans les rues, pot de tomate concentré au bras, à la recherche de leur pitance quotidienne.

En effet, les enfants Talibés ne sont (malheureusement) pas des enfants comme les autres. La condition des talibés est un problème social bien sénégalais, qui n’est toujours pas résolu et qui mérite qu’on se penche de nouveau dessus à l’occasion du 16 Juin, Journée Mondiale de l’Enfant Africain.

Origines du phénomène

Au sens strictement étymologique, un « talibé » (pluriel du mot d’origine arabe “Talib”) est un élève ou un disciple apprenant le Coran dans les daaras (des écoles religieuses) sous la tutelle d’un maître coranique. Par conséquent, si on s’en tient à la définition originelle, tous les talibés ne mendient pas. Cependant, le terme “talibé” est presque exclusivement utilisé pour désigner ces garçons, âgés de 5 à 15 ans en moyenne, issus d’une famille pauvre, souvent rurale, confiés par leurs parents à un maître coranique (ou marabout) pour que celui-ci s’occupe de leur éducation religieuse.

Le talibé participe ainsi aux travaux domestiques de son daara et est contraint d’aller  demander l’aumône auprès de la communauté afin de subvenir à ses besoins et ceux de son maître.

Quelques chiffres

Il est extrêmement difficile d’obtenir des informations quantitatives fiables sur les talibés au Sénégal. Cependant, diverses études publiées ces dernières années permettent de se faire une idée générale de la situation

?    En 2014, la Cellule Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes (Source CNLTP) a publié une cartographie des daaras. Cette étude a estimé, suite à un sondage de 221 maîtres sur une estimation de 1006 daaras qu’environ 30.160 talibés mendient dans la région de Dakar

?    En 2018, l’ONG Global Solidarity Initiative (GSI) a aussi cherché à géolocaliser chaque daara de la région de Dakar et a conclu à un nombre similaire de 27.941 talibés qui mendient, malgré une cartographie qui localise près du double (1922) de daara que la cartographie CNLTP (UNODC, 2018)

?    Une étude conduite en 2020 par Save The Children sur l’impact de la COVID-19 sur les enfants talibés au Sénégal (Source) permet d’en savoir plus :
?    Près de la moitié des enfants talibés de l’échantillon est âgée entre 10 et 13 ans (48,%). Les enfants de moins de 10 ans représentent 23% alors que les enfants talibés âgés d’au moins 14 ans représentent 29% de l’échantillon. L’âge modal est de 13 ans et la moyenne d’âge est de 11,7 ans.

?    Les enfants talibés d’origine sénégalaise sont majoritaires avec 66,23%. Les enfants talibés d’origine étrangère représentent 33,77% de l’échantillon. Ces derniers proviennent des pays limitrophes du Sénégal. Plus de la moitié des enfants talibés migrants proviennent de la Guinée Bissau (50,64%). Les enfants talibés originaires de la Gambie et de la Guinée Conakry représentent respectivement 28,21% et 17,31%. Le Mali et la Mauritanie sont faiblement représentés avec chacun 1,92% des enfants talibés d’origine étrangère.


?    Les principales régions de provenance des talibés sont Kolda (23,34%), Kaffrine (17,67%), Kaolack (10,73%) et Ziguinchor (9,51%). La région de Kolda présente beaucoup le statut de principal bassin de départ des enfants talibés.

La problématique des Talibés

On s’attend donc à ce que les Talibés passent le clair de leur temps à la mémorisation du Coran. Mais, on est en droit de se poser des questions sur ces maîtres de daara lorsque leurs pupilles passent plus de temps à errer dans les rues et à mendier. Pour beaucoup, le terme “Talibé” en est venu à évoquer automatiquement l’image d’un enfant avec son pot de tomate concentré à la main, plutôt qu’un aloua, (la tablette en bois). traditionnellement utilisée pour apprendre le Coran. L’étude de Save The Children pose le problème clairement en affirmant que “Le statut de pourvoyeur de revenus des enfants talibés pourrait mettre en lumière une stratégie familiale derrière la décision de les envoyer dans les daaras, surtout ceux situés à Dakar en raison des gains surtout économiques que les enfants sont en mesure de procurer à la fois à leurs maîtres coraniques et à leurs parents”.

A cela, s’ajoutent des scandales tels que l’image d’un garçon, chaînes aux pieds, qui a déclenché un vif débat dans le pays, notamment sur la responsabilité des guides de confréries. L’enfant sur la photo est élève, avec des dizaines d’autres, d’un “daara” de Ndiagne. Ou encore ces accusations de viol d’un mâitre de daara sur une dizaine de talibés dans le quartier Darou Thioub de Jaxaay.

Ces dernières années, l’État sénégalais a adopté deux approches conçues pour protéger et promouvoir les droits des talibés. D’une part, le projet de modernisation des daaras , financé par la Banque mondiale et la Banque islamique de développement, a pris de l’ampleur depuis que le Sénégal a subi des pressions pour inclure les talibés dans les taux d’éducation dans le cadre de l’agenda mondial de l’éducation pour tous. D’autre part, depuis 2016, l’État a, de manière sporadique, mené plusieurs campagnes pour retirer les enfants trouvés en train de mendier de la rue.

Le Sénégal ne pourra pas se targuer d’être un pays émergent si les talibés continuent à être les enfants oubliés de la nation. Par conséquent, l’Etat, la société civile ainsi que les partenaires internationaux doivent s’atteler à trouver des solutions pérennes pour sortir ces enfants de leur condition précaire. Ce 16 Juin, Journée de l’Enfant Africain, sera une journée à mettre à profit pour réfléchir tous ensemble à la stratégie à adopter pour relever ce défi.

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