Mendicité des talibés : le gouvernement lance l’offensive

La question de la mendicité des enfants talibés revient avec force dans l’agenda politique et social du Sénégal. Une polémique alimentée par les propos récents du Premier ministre Ousmane Sonko, dénonçant la persistance de ce phénomène malgré les engagements de l’État. En écho à cette prise de position, la ministre de la Famille et des Solidarités, Maimouna Dièye, a annoncé une série de mesures fortes lors de sa participation au Gamou de Ndiawagn Ndiaye, localité religieuse située dans la commune de Diokoul Dieuwrign (département de Kébémer).
Intervenant au micro de la RFM, la ministre a affirmé que le gouvernement s’apprête à lancer une vaste opération de recensement des daaras dès le mois de juin prochain. Cette démarche, selon elle, vise à mieux encadrer l’enseignement coranique et à identifier les structures légitimes qui méritent un accompagnement de l’État. « Sur instruction du président de la République, le Premier ministre va prendre des mesures sévères sur la mendicité et la gestion des daaras. Nous ferons tout pour que les enfants talibés soient traités comme les élèves des écoles françaises, car c’est vraiment déplorable de voir les enfants errer dans les rues à tout moment », a-t-elle déclaré.
Maimouna Dièye a insisté sur la volonté du gouvernement de collaborer avec les « serignes daaras » reconnus, tout en dénonçant les pratiques abusives de certains qui utilisent la mendicité des enfants à des fins personnelles. « Certains utilisent les transferts d’argent pour encourager cette mendicité, et ce sont eux que nous visons. Il y a des gens qui ne sont pas sérieux, et il faut y mettre un terme », a-t-elle ajouté.
Les déclarations du Premier ministre sur la mendicité des enfants talibés, tenues quelques jours plus tôt, avaient déjà suscité de nombreuses réactions. Si certains saluent une volonté politique affichée de rompre avec l’inaction, d’autres mettent en garde contre une approche trop répressive qui risquerait de heurter certaines sensibilités religieuses.
Dans ce contexte, l’annonce d’un recensement suivi de mesures de soutien ciblé aux daaras agréés apparaît comme une tentative d’équilibrer rigueur et pédagogie. Le gouvernement semble vouloir éviter une stigmatisation globale du système des daaras, tout en agissant contre les abus les plus flagrants. La question des enfants talibés — des milliers de garçons livrés à eux-mêmes dans les rues des villes sénégalaises, contraints à mendier pour survivre — est depuis longtemps un sujet sensible. Entre les impératifs de protection de l’enfance, la liberté religieuse et la réalité socio-économique des daaras, les autorités doivent composer avec un équilibre délicat.
Plusieurs tentatives de régulation ont échoué par le passé, souvent freinées par des résistances sociales ou politiques. Mais l’actuel gouvernement semble déterminé à changer la donne. L’objectif, selon les propos de la ministre, est clair : parvenir à un traitement équitable des élèves, qu’ils soient issus de l’école publique ou des daaras. Cela nécessitera non seulement une volonté politique forte, mais aussi des ressources importantes pour accompagner la modernisation des daaras, leur offrir un encadrement pédagogique, et assurer aux enfants un cadre de vie digne.
En attendant le démarrage du recensement prévu en juin, la société civile et les acteurs religieux scruteront de près la mise en œuvre de ces mesures. Le gouvernement joue une carte à la fois politique et symbolique dans ce dossier hautement sensible.