‘’Le procureur ne nous a rien servi, il fait de la politique’’

Hier, lors de sa plaidoirie, Me Borso Pouye a attaqué le réquisitoire ‘’politique’’ du procureur.   De même que l’ordonnance de renvoi rendu par le magistrat instructeur ainsi que la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal.

Elle est la dernière avocate de la défense à plaider dans le dossier de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. A ce titre, Me Borso Pouye a voulu partager avec le tribunal la personnalité de Fatou Traoré et de ses coprévenus. Née en mars 1957, la seule inculpée dans cette affaire était à un mois de la retraite au moment de son arrestation. ‘’Dans le bureau du juge d’instruction, elle m’a dit : ‘’J’ai un papa qui est vieux, qui ne compte que sur moi’’, a dévoilé Me Pouye. Ce papa a finalement rendu l’âme en octobre dernier. ‘’Quelle injustice !’’ hurle l’avocate. Qui a également parlé de ses relations avec les deux percepteurs Mamadou Omar Bocoum et Ibrahima Touré. La robe noire a également fait des témoignages sur Mbaye Touré, Amadou Moctar Diop et Yaya Bodian.

Venant à Ibrahima Yatma Diop, elle a renseigné que le plus jeune prévenu est marié et père de 3 enfants en plus d’avoir fait des études supérieures avec Bac+8. Que c’est quelqu’un qui, depuis son placement sous mandat de dépôt, se demande ‘’pourquoi il est là’’. Mais, s’est-elle s’empressée de répondre : ‘’Ce procès n’est pas le procès des autres prévenus, c’est le procès de Khalifa Sall et cela suffit largement pour démontrer qu’il s’agit d’un procès politique’’.  S’enorgueillissant de son compagnonnage de plus de deux décennies avec le maire de Dakar, l’avocate a fait savoir que ce dernier est entré en politique à l’âge de 12 ans. A l’image de ses mentors Abdou Diouf et Ousmane Tanor Dieng, il est un homme poli. ‘’Il a dit à la barre que ce qui lui vaut sa présence ici, c’est le fait d’avoir refusé une offre politique.  On lui a dit alors : ‘’Tay nga mënë fecc, mbaa nga dee mba tank bi dàmm’’ (on te fera marcher au pas ou il t’en cuira). Je parle sous le contrôle de ses collaborateurs Bira Kana Ndiaye et Babacar Thioye Ba.

C’est ce que je lui répétais souvent à la prison. Cependant, Khalifa n’est pas un danseur. Il a fait l’école d’homme de principe’’, a soutenu Me Borso Pouye. Avant d’ajouter : ‘’Aujourd’hui, il est à la tête de plusieurs associations. Quand on dirige ces associations, au bout de 6 mois, on est obligé de quitter. En ce qui le concerne, c’est lui qui a proposé sa démission et on le lui a refusé. Khalifa Sall connaît le droit et le pouvoir. Malgré l’épreuve, il est resté digne. Il sait que la politique tourne. Elle vient et s’en va. Demain, s’il lui arrivait d’accéder aux affaires, c’est bonjour la débandade ! ‘’

‘’La nullité imparable’’

Faisant un bref rappel de la procédure, le conseil a attaqué l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Laquelle, estime-t-il, ne repose que sur des incohérences. Relevant ‘’les points saillants aussi bien dans le réquisitoire du parquet que dans celui de qui pense être partie civile (l’Etat)’’, Me Pouye dit que la nullité est imparable avec la violation du règlement 5 de l’Uemoa. Elle a rappelé que ses clients ont été envoyés à la Brigade des affaires générales sans la présence de leurs avocats. Elle assure que le procureur, dans ses développements, ne manque pas de le relever.

‘’Serigne Bassirou Guèye a eu à se trahir en parlant d’enquête. Donc, les mis en cause devaient être assistés de leurs conseils’’, a-t-elle signalé. Puis, elle est revenue sur une déclaration chère au procureur de la République : ‘’Tout ce que la défense touche devient de l’or pour le parquet. Je ne sais pas combien de fois il l’a répété’’, dit-elle avant de répondre que ‘’depuis le réquisitoire introductif, jusqu’au réquisitoire définitif, en terminant par le réquisitoire fait devant le tribunal, nous n’avons vu que du cuivre’’. Selon elle, il n’y a rien qui puisse asseoir la culpabilité des prévenus. ‘’Il n’y a rien à discuter sur le réquisitoire du procureur. Il ne nous a rien servi, sauf à lui reconnaître sa politique. Le procureur fait de la politique’’, dit-elle.

L’Etat du Sénégal, une fausse partie civile ?

Par ailleurs, la robe noire a argumenté sur l’irrecevabilité de la constitution de l’Etat du Sénégal. A l’en croire, il est important de relever que ce procès a commencé en janvier 2013. Mais l’agent judiciaire de l’Etat (Aje) aura attendu jusqu’au 7 février 2018, après qu’on a eu à plaider les exceptions de nullité, pour produire des pièces de la Senelec attestant qu’elle doit être dans ce procès. ‘’Ce sont des preuves fabriquées et qui ne prouvent en rien qu’ils doivent être dans ce dossier’’, peste-t-elle.  Et de continuer : ‘’L’Aje est une fausse partie civile. J’ai connu Antoine Félix Diome percutant et pertinent. Cela n’a pas été le cas dans cette affaire. Il nous a livré un cours magistral de comptabilité publique, parce qu’il pensait qu’en ne parlant pas des chefs d’inculpation, le procureur allait les développer, en vain’’.

Pour la défense de Khalifa Sall et Cie, dans ce dossier, la partie civile et le parquet, ‘’à force de s’évertuer à dire qu’il ne s’agit pas de fonds politiques, ont fini par nous convaincre qu’il s’agit de fonds politiques’’. Me Borso Pouye de soutenir que l’Etat a poussé le bouchon très loin en prétendant avoir subi un préjudice et en demandant 5 milliards de F CFA.

Le blanchiment de capitaux, ‘’un délit cocasse’’

A Me Samba Bitèye constitué pour l’Etat du Sénégal et qui a déclaré que ‘’ce procès est celui de la bonne gouvernance’’, Me Pouye dit non. ‘’La bonne gouvernance, consiste-t-elle à attraire le maire de la capitale au tribunal et lui jeter l’opprobre ?’’ s’indigne-t-elle. ‘’Si l’on s’en tient à ce qui a été dit de part et d’autre dans cette affaire, on ne peut asseoir une quelconque incrimination. On ne peut pas établir le faux. S’il n’y a pas ce délit, toutes les autres infractions tombent. Aucune intention frauduleuse n’animait ces personnes’’, a-t-elle plaidé. D’après l’avocate, le visa posé sur les procès-verbaux de réception par le maire prouve que c’est un document qui vient de la mairie. Que dans ces papiers, il n’y a ni usage de faux ni de fausses qualités. Mieux, renchérit-elle, ‘’le délit le plus cocasse’’, c’est le blanchiment de capitaux.

‘’A chaque fois qu’on parlait de blanchiment, je pensais à la mafia. Cette infraction est connue dans ce milieu. Il n’y a pas d’avantages patrimoniaux au profit des prévenus. On ne peut pas passer par là pour vous demander d’entrer en voie de condamnation’’, argue-t-elle. Il s’y ajoute, note la dame, qu’il n’y a pas de preuve visant l’association de malfaiteurs.

A l’endroit du juge Malick Lamotte, Me Borso Pouye lance : ‘’Je vous ai entendu dire qu’il y a une vie après ce procès. Je suis d’accord. J’ajoute que nous naissons seul, nous vivons seul et nous mourons seul. « Kenn ku nekk dinga laxxu ak sa loxo ndeyjoor » (chacun sera un jour seul dans sa tombe et face à Dieu)’’.

 

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