Président socialiste, Laurent Gbagbo n’était clairement pas du même bord politique que Jacques Chirac. Il était plutôt l’ami de Lionel Jospin, lors de la cohabitation. Seulement, celui qui dirigeait la France en 2002 s’appelait Jacques Chirac et il ne “reconnaissait” pas le natif de Gagnoa.
Selon les dires de Robert Bourgi, sur les plateaux de France 24 et TV5 Monde, « Laurent Gbagbo voulait s’attirer les bonnes grâces de la France ». Mais à l’Elysée, on “voulait qu’il crache au bassinet”.
« J’aiderai à hauteur de 3 millions de dollars »
« Je lui ai dit : “Laurent, je vais être franc avec toi. Il va falloir que tu puisses faire un geste pour Chirac”… J’ai donc organisé un déjeuner au restaurant Lapérouse. Il y avait Gbagbo, De Villepin et moi-même. Et là, je dis à De Villepin : “Comme vous l’avez demandé, je vais demander à Gbagbo devant vous d’aider le président Chirac. Laurent (Gbagbo) nous dit : “Je suis de la famille socialiste. Je suis un ami de Jospin. Mais j’aiderai à hauteur de 3 millions de dollars”, révèle Robert Bourgi.
Par la suite, Jacques Chirac a reconnu Gbagbo. Cela s’est passé dans la « salle de bain » du président ivoirien, se souvient l’avocat et conseiller politique.
« Dominique de Villepin, deux jours auparavant, m’avait dit que le président Chirac appellera Laurent Gbagbo, lundi matin à 9 h et il me précise, heure de Côte d’Ivoire. Je me trouvais chez Laurent à 8 h 30. Il va dans la salle de bain et c’est là que le coup de fil arrive. Je prends mon portable et je dis : “Laurent, le président Chirac veut te parler.” C’est dans la salle de bain qu’a eu lieu la reconnaissance de Laurent Gbagbo par la France » affirme le Franco-Libanais.
« Chirac et De Villepin ont été d’une ingratitude à nul autre pareil »
Malgré le soutien financier accordé à Chirac, ce dernier aurait refusé d’aller au secours de Laurent Gbagbo en 2002, lorsqu’il redoutait l’offensive des rebelles de Guillaume Soro. Pour Robert Bourgi, « Chirac et De Villepin ont été d’une ingratitude à nul autre pareil » envers l’ancien président ivoirien.
Le natif de Dakar a aussi évoqué ce qu’il savait de la chute de Gbagbo, en 2011. A l’époque, c’était Nicolas Sarkozy qui était le locataire de l’Elysée et il avait, semble-t-il, pris fait et cause pour Ouattara dans cette crise électorale qui éclata cette année-là en Côte d’Ivoire.
Gbagbo m’a dit : « Tu diras à ton ami Sarkozy que je serai son Mugabe… »
« Laurent Gbagbo avait gagné les élections en 2011. Nous savons qu’il les avait gagnées. Le Conseil constitutionnel a dit que c’était Laurent Gbagbo (le vainqueur). Le président Sarkozy me fait venir à l’Elysée et il me dit : “Il va falloir que tu appelles ton ami, ce Gbagbo, et que tu lui dises d’accepter de partir. Il aura un statut d’ancien chef d’Etat, 30 millions de francs CFA, des voitures d’escorte et s’il veut, comme il est professeur d’histoire, on lui trouvera une chaire. Il pourra se déplacer à travers le monde” raconte Robert Bourgi.
Sarkozy, lui demande d’aller dans le « bureau de Claude Guéant » pour appeler Gbagbo. Quand le président ivoirien décroche le combiné, Robert Bourgi dit lui avoir fait la proposition du président Sarkozy. Il a répondu : “Tu diras à ton ami Sarkozy que je serai son Mugabe. Bob, je t’ai assez entendu” et il a raccroché.
“J’ai essayé, à travers ce coup de fil, de faire comprendre à Laurent que c’était sa vie qui était en danger et il m’a raccroché au nez. J’ai éclaté en sanglots, parce que je savais ce qui allait se passer” raconte le natif de Dakar.
Sarkozy ”a bondi de son siège et a dit : ‘Puisque c’est ça, je vais le vitrifier.”‘
Une fois dans le bureau de Sarkozy, le Franco-Libanais lui avoir fait part du refus de Gbagbo. C’est alors que le président « a bondi de son siège et a dit : ‘Puisque c’est ça, je vais le vitrifier. J’ai un mandat et je vais le faire.’ Le lendemain ou le surlendemain, Laurent était tombé”, se souvient le natif de Dakar, non sans gêne.
« Quand Laurent est tombé et qu’il a été conduit à La Haye, j’en ai beaucoup souffert. Je me sentais complice d’une trahison » s’est confessé le Franco-Libanais.