Thione Seck : Révélations sur le parcours d’un ténor du Mbalakh

C’était un personnage clivant, il faisait partie de ceux-là qui ne mâchent pas leurs mots, qui traduisent tout haut le fond de leurs pensées. Ses proches, mais aussi les médias le décrivaient comme étant un homme vrai, une icône au grand caractère.

Décédé dans la matinée du 14 mars 2021 à 66 ans, Thione Ballago Seck laisse le monde de la musique orphelin. Brusque et inattendue, sa mort constitue une perte immense pour le Sénégal mais aussi pour toute l’Afrique.

Aux côtés des Seigneurs de la musique sénégalaise tels que Baba Maal, Youssou N’dour ou encore Ismaël Lô, Thione Ballago Seck fait partie des grands paroliers qui ont contribué à l’internationalisation du Mbalax. Adulé par plusieurs générations, il laisse à ses fans un vaste héritage musical et son fils, Wally Ballago Seck.

Thione Ballago Seck, le descendant d’une lignée de griots

Thione Ballago Seck nait un 12 mars 1955 à Dakar. Il a grandi à Gueule Tapée, un quartier populaire de la capitale sénégalaise le rappelle sunubuzz. Comme Martin Luther King, il avait un rêve. Le sien, c’était de devenir chanteur. Un choix qui l’a poussé à arrêter ses études assez tôt. Thione Seck a hérité du sang griotique de son grand père, alors griot à la cour royale de Lat Dior. Son appartenance à une lignée de musiciens griotiques n’a pourtant pas suffi à convaincre sa famille de le laisser s’adonner à son rêve. A une époque où être chanteur n’était pas encore considéré comme un vrai métier, Thione Seck comme tant d’autres a dû se battre pour faire accepter à ses proches son choix de carrière. Ses nombreux albums, ses titres cultes, ses milliers de fans au Sénégal et à travers le monde, prouvent que la détermination de celui qu’on surnommait la voix d’or du Mbalax n’était pas vaine.

Ses débuts à l’Orchestra Baobab

Thione Seck ambitionnait de devenir chanteur à succès. C’est fort de ce choix qu’il s’est lancé très tôt dans l’univers musical rappelle sunubuzz. De son jeune âge, il fréquente de nombreuses cérémonies traditionnelles et est rapidement remarqué par le chanteur vedette Abdoulaye Mboup aka Laye Mboup, artiste vedette de l’époque et père fondateur de la musique tradi-moderne sénégalaise. Ce dernier après l’avoir envoyé en formation au Star Band, le prend sous son aile au sein de l’Orchestra Baobab. A 17 ans, il fait ses débuts dans ce groupe musical lancé dans les années 70. Parrainé par Laye Mboup, il évoluera au sein de l’Orchestra Baobab aux côtés de Mountaga Kouayate.

Cet orchestre fut un véritable tremplin pour Thione Ballago Seck malgré les maigres revenus qu’il y percevait. Il y connaîtra ses premiers succès et participera entre autres aux grands bals de la gendarmerie de Colobane présentés par le président Léopold Sédar Senghor. A la mort de son mentor en 1974, Thione Seck reprend ses morceaux ainsi que sa place dans l’Orchestra Baobab. Il deviendra plus tard une des plus grandes icônes de ce groupe et sera considéré comme un de ses pères fondateurs.

Les premiers succès avec Raam Daan

Quelques années après son entrée à l’Orchestra Baobab, Thione Seck avait déjà pensé à créer son propre ensemble traditionnel en duo avec son cousin. Il l’ignorait encore à l’époque mais Raam Daan sera sa première porte d’entrée vers la gloire et la célébrité. La notoriété acquise grâce à la popularisation de ce duo lui a permis de devenir indépendant financièrement. Poussé par ses rêves de grandeur, il décida par la suite de s’envoler vers l’Europe pour tenter sa chance. Les résultats escomptés de l’aventure européenne tardaient à se concrétiser. Quelques mois plus tard, il retourna au bercail, convaincu qu’il n’était pas encore trop tard pour réaliser son rêve de jeunesse au Sénégal.

Quand le mbalax rencontre le funk, le reggae et d’autres genres musicaux.

Raam Daam, une des plus grandes fiertés de Thione Seck était un groupe de pur mbalax. Thione Seck mélangeait savamment le Mbalax, des rythmes locaux, du reggae, du chant wolof et du funk. En 1984, le duo Raam Daan, formé avec son cousin, sort un premier album. Le public de l’artiste appréciait sa capacité à mettre en exergue les valeurs ancestrales des griots à travers sa musique. Il drainait aisément les foules de par sa facilité à assaisonner le Mbalax traditionnel avec d’autres genres musicaux tels que les mélopées arabes, le chant wolof et certaines notes de musique indienne. Il avait en effet l’art et la manière de créer un mariage homogène entre Mbalax traditionnel et variété populaire.

Avec Raam Daan, Thione Seck a connu un véritable succès sur la scène musicale sénégalaise aux côtés de Youssou N’dour (Super Etoile) dans les années 80. C’était la belle époque, une ère qui a marqué le début de l’âge d’or du Mbalax au Sénégal. A eux deux, Thione Seck et Youssou N’dour ont écrit une des plus belles pages de la musique sénégalaise. Grâce à leurs travaux, le Mbalax a pu s’imposer sur la scène internationale. Toutefois, c’est Youssou N’dour qui fut le premier à réussir l’internationalisation de ce rythme musical sénégalais. Il a fallu attendre les années 90 avec des titres tels que Mathiou pour que Papa Thione connaisse une véritable gloire hors des frontières du Sénégal.

La discographie de ce chef d’orchestre est composée essentiellement de Diaga ou encore de Allo Petit qui furent les plus grands coups de cœur de ses fans.

Le principal héritage de Thione Seck.

Outre Diaga, Mathiou et tous ses titres musicaux populaires, Thione Seck laisse un bel héritage à la scène musicale sénégalaise : Son fils Wally Ballago Seck. En véritable père et mentor, Thione Seck a su faire de son descendant, une pièce maîtresse sur l’échiquier de la musique au Sénégal. Wally Seck doit une grande partie de son ascension au travail et à la détermination acharnée de son défunt père. Pour assumer le revers de la médaille du succès, il a toujours pu compter sur le soutien indéfectible de son feu père. Entre démêlés avec la justice et nombreux coups durs ayant entaché leur réputation, le tuteur et son fils ont bravé de nombreux obstacles dans la jungle musicale.

A l’heure actuelle, la question de savoir si Wally Seck sera un digne successeur de son père ne mérite plus d’être posée. Surnommé le chanteur du peuple et lead vocal du groupe Raam Daan, le succès de Wally Seck est la preuve de sa capacité à succéder au roi du Mbalax. Figure emblématique du showbiz en Afrique, il draine aussi bien les foules que son mentor désormais accompli et est donc très bien placé pour reprendre le flambeau.

Une fin de carrière ternie par des batailles judiciaires.

Les dernières années de vie du roi du Mbalax ont été entachées par une véritable saga sur le plan judiciaire. Poursuivi en 2015 pour un trafic présumé de faux billets, le chanteur a écopé en 2020 de trois (3) ans d’emprisonnement dont huit (8) mois ferme. Ce feuilleton juridique qui a duré plus de 5 ans s’est soldé par l’annulation de toutes les poursuites à l’égard du chanteur il y a quelques mois. Malheureusement, la maladie à laquelle il a succombé ne lui aura pas permis de savourer pleinement sa victoire.

Depuis l’annonce de sa disparition, les hommages se sont succédés sur la toile. Célébrités, personnalités politiques, ses collègues artistes et anonymes n’ont pas manqué d’exprimer leur consternation sur la toile.

“Thione Seck fait partie des artistes héros d’une époque. Libre, énergique, mélodique (…) , il a persisté dans la création, passant du traditionnel au moderne, bravant les écueils et l’incompréhension d’une société qui a peu cru à l’art comme mode vie et moyen de vivre”, a tweeté El Hadji Hamidou Kassé, conseiller du chef de l’Etat pour les affaires culturelles.

Pour Baba Maal, Thione Seck est « quelqu’un qui a su comprendre que le rôle de l’artiste n’est pas d’entretenir les gens mais d’éduquer les populations surtout les jeunes générations».

Youssou N’dour n’a pas manqué d’exprimer sa frustration face au départ de son collègue en ces termes : « Adouna dou dara !! La vie n’est rien. Notre grand frère est parti. Dieu a donné, Dieu a repris. Que Dieu l’accueille au Paradis ».

Nous rappelons que Thione Seck préparait un album panafricain, un projet d’envergure qui aurait certainement fait sensation. Celui-ci ne pourra désormais plus être porté par le roi du Mbalax.

Comme pour reprendre les propos du réalisateur sénégalais Nicolas Sawalo Cissé : « la voix aux rimes poétiques n’est plus ».

SUNUBUZZSN.COM 

Cet article Thione Seck : Révélations sur le parcours d’un ténor du Mbalakh est apparu en premier sur Sunubuzz.

vous pourriez aussi aimer
Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.