Accusations d’étudiants contre le CETUD pour plagiat dans le projet BRT

Au Sénégal, des jeunes qui ont voulu installer des lignes de bus électriques pour faciliter le transport des élèves et étudiants de la banlieue au centre ville ont accusé le CETUD (Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar) d’avoir plagié leur projet. Ce dernier qui botte en touche, parle de manipulation.

Financé par la Banque Mondiale et la Banque Européenne d’Investissement, le Bus Rapid Transit (BRT) du Sénégal ou Bus à Haut Niveau de Service en français a commencé à prendre forme en 2014. Les travaux ont été officiellement lancés en 2020 pour un coût de 420 milliards de FCFA devant desservir 14 communes, 23 stations en 45 mn. Sur 18,3 km, le BRT va partir de Guédiawaye (station de Gadaye) à la gare routière de Petersen.

La supervision et la mise en œuvre du projet ont été confiées par l’Etat du Sénégal au Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD). Lequel organe de l’Etat a été accusé d’avoir plagié le concept sur des étudiants en fin de cycle (licence 3) en 2017. Il s’agit de Thierno Mody DEME et Omar CISSE. Le premier nous a accueilli pour exposer les faits.

Un projet d’environ 80 millions CFA de Bus Thermiques changés en électriques

Pour mettre sur pied leur projet, les étudiants qui se sont regroupés autour d’un GIE dénommé SN-Trans ont contacté plusieurs personnes afin de les aider à matérialiser E-bus, le nom de leur projet. Il explique comment E-bus a été mis en place et ses caractéristiques.

«On voulait mettre en place un projet qui s’appelle e-bus et qui serait exclusivement réservé aux élèves et étudiants, pour faciliter leurs déplacements de la banlieue en ville. Ce projet a été soutenu comme business plan très professionnel avec mon partenaire Omar CISSE et tourne aux environs de 80 millions de FCFA. Ce serait des bus dotés d’une géolocalisation, équipés de rampes pour un accès facile aux handicapés, d’un système de recharge et wifi. Au début, on a proposé des bus thermiques. Mais plus nous avancions, on modifiait notre business plan pour en faire des bus électriques avec des bornes de recharges à l’énergie solaire photovoltaïque. Le parcours est de 44,6 km aller-retour à parcourir 2 fois par jour», explique Thierno DEME qui précise qu’au début leur GIE voulait commencer avec 5 bus.

En 2018, ils ont cherché des partenaires pour la réalisation de ce projet et le premier parmi eux était Ensup Afrique.

«On a fait une demande de subvention d’un million et un prêt de 500 000 francs CFA avec Ensup Afrique. Entre temps, on est allés en stage quelque part au grand théâtre avec une ONG dirigée par un certain Jonhson qui nous a mis en relation avec le directeur du grand théâtre au temps, Keyssi BOUSSO qui nous disait qu’on lui a offert des bus qui étaient en France et il va voir comment faire pour les mettre à notre disposition. On faisait des schémas pour que cela aboutisse et malheureusement, on nous a appelés ailleurs. Cependant, le 12 juin 2019, nous avons écrit une lettre au Directeur général du CETUD pour accompagnement», a fait savoir notre interlocuteur qui affirme que lui et ses camarades ont fait des démarches à la BNDE pour des financements.

“Notre rencontre avec le CETUD avant le lancement du projet BRT”

«Nous avons une lettre de garantie fournie par le FONGIP. La garantie couvre 70% des frais et on a commencé à faire des démarches. En 2019 encore, mon partenaire a eu quelqu’un qui l’a mis en rapport avec un responsable de CETUD, Mahmoune GAYE. Il s’est entretenu avec lui au téléphone. Il lui a demandé de lui envoyer les documents du projet qu’on avait et ceux du séminaire qu’on voulait organiser afin d’expliquer notre projet au public et aux potentiels investisseurs par rapport à un changement des modes de transports du thermique vers l’électrique. Depuis lors, on n’a eu aucun retour. Ni du CETUD, ni des autres. Et du jour au lendemain, on voit le projet BRT en 2019. J’ai appelé mon partenaire Omar et lui ai demandé s’il avait vu le projet. Au début le BRT avait des lignes de Bus thermiques, il n’avait pas parlé d’électrique et nous, notre projet était thermique et on a migré vers l’ électrique en faisant un autre business plan avec des bornes de recharges. Ce avec l’aide de Yutong Bus Sénégal avec son représentant M. Sean, d’une manufacture américaine qui travaille sur des bus et l’ambassade des États-Unis. Ils ont même fait des retours. Brusquement on voit le BRT. On s’est dit que c’est pas possible, comment se fait-il que ce projet ressemble à notre projet», s’est-t-il questionné tout en déplorant l’attitude du CETUD qui a pris le même format de leur séminaire qu’ils leur ont envoyé car, explique-t-il, “tous les deux business plan avec les modifications apportées, ont été envoyés au CETUD”.


“Nous comptons saisir la justice”

«Au cours de leur forum écologique qu’ils ont lancé l’année passée, en regardant leurs thématiques c’est en rapport avec ce qu’on avait envoyé au responsable du CETUD. Omar l’a vu et me l’a envoyé et on voulait un accompagnement juridique et on a laissé tombé. Mais ce qui a amené le déclic, c’est l’inauguration du BRT, ce qui nous a fait mal. On a envoyé nos documents à des personnes, elles ont dit que c’est le même projet. On a décidé de nous battre pour nos droits », conclut-il.

Les jeunes n’excluent pas d’intenter des poursuites judiciaires contre le CETUD pour plagiat d’autant que, expliquent-ils, “le projet est déjà enregistré à la SODAV et nous avons notre registre de commerce“.

Des responsables du CETUD nient… dans l’anonymat

Pour en savoir un peu plus sur ces accusations, Walf Net est allé à la rencontre d’un responsable du CETUD qui a été cité par les jeunes. Il s’agit de Mouhamadou Mahmoune GAYE qui a occupé la fonction d’administrateur Systèmes et Réseaux au CETUD. Mais selon les dernières informations recueillies, il a quitté ses fonctions. Les tentatives de le joindre sont restées vaines.

Par contre, au CETUD un responsable accroché pour lui exposer les accusations qui pèsent sur eux a nié en bloc arguant que «l’idée du BRT a été agitée pour la première fois en 2003 sous le magistère d’Abdoulaye WADE. Donc ces jeunes ne peuvent s’approprier un projet d’une telle envergure qui coûte des milliards ». Parlant en son nom propre, ce responsable au CETUD a préféré ne pas trop s’épancher sur le sujet ni donner des preuves attestant de la mise en route du BRT bien avant ces jeunes. Car estimant «qu’en ces temps, il y a trop de manipulations au point que des personnes mal intentionnées veulent s’attaquer à un bien qui appartient à tous les Sénégalais».

Pour la documentation, il a préféré rediriger l’équipe de Walf Net vers le site internet du CETUD pour avoir toutes les informations dont elle a besoin. Et selon lesdites informations, la détermination du tracé du BRT a commencé dès 2014. Le Comité de Pilotage (COPIL) du BRT s’est réuni au Ministère des Transports le 13 août 2015 afin de se pencher sur les options proposées pour l’itinéraire du BRT.

2016 a été marquée par le début de la communication sur le projet avec les parties prenantes. Une réunion entre le CETUD, AFTU et Dakar Dem Dikk (DDD) pour présenter le projet. Les études menées sur le BRT par SCE-SAFEGE ont été validées dans la même année. En 2017, à la même année où le GIE SN-Trans a fait son business plan, le tracé a été déjà choisi et le projet ficelé.

Sa mise en service devait commencer en 2022, finalement, c’est le 14 janvier 2024 qu’il a été inauguré par le Président Macky SALL en attendant d’être opérationnel. Le BRT circule sur des voies exclusivement réservées. Ce qui fait sa particularité. Il est doté de bus qui sont alimentés à l’électrique à 100%. Des bornes de recharges sont installées dans les stations afin d’assurer leur alimentation en énergie.
source walfnet

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