Arrestations tous azimuts et interdiction de manifestations… : Des pas de géant vers l’autoritarisme

Considéré comme l’une des principales vitrines de la démocratie en Afrique, le Sénégal est en train de perdre de sa superbe. Aujourd’hui, on assiste à des dérives autocratiques, avec une régression des libertés, des arrestations tous azimuts opérées, des manifestations systématiquement interdites, etc. La dictature rampante aurait-elle cédé la place à la dictature debout ? “Tribune”
Depuis quelques temps, la démocratie sénégalaise vit des heures sombres de son histoire. Des arrestations tous azimuts sont opérées sans discernement, sur des militants de l’opposition. Des pères et mères de famille qui tentaient d’exercer un droit, que la Constitution leur reconnaît expressément, sont arrêtés et jetés en prison.

Mais, le plus inquiétant dans cette affaire, c’est l’opinion qui en est née, selon laquelle, une opération de démantèlement de notre système démocratique et de restriction drastique des libertés, a été engagée depuis 2012, eu égard aux procès controversés de leaders de l’opposition et aux interdictions systématiques des marches et autres manifestations pacifiques.

Depuis cette année 2012, on ressent qu’insidieusement, le pouvoir essaie de faire glisser les populations de leur statut de citoyens vers l’état de «gens soumis». Il est évident qu’après avoir connu la liberté et une démocratie qui a permis la survenue de deux alternances, une tentative d’asservissement du peuple ne peut pas manquer de provoquer des troubles.

La politique est une affaire de gentlemen, a-t-on coutume de dire. Mais malheureusement, le constat est que les dirigeants de ce pays sont loin de l’être. Car, c’est comme si leur seul et unique argument face à leur opposition, c’est la force. Alors que la faiblesse de la force, c’est de ne croire qu’à la force. Étant donné que ce sont eux qui sont aux affaires, ils auraient mieux fait de privilégier la négociation au lieu de recourir à chaque fois, à l’usage de la force.

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le Président Senghor aimait dire que le Sénégal est un pays de dialogue, car toutes les contradictions pouvaient être réglées à travers un dialogue franc et sincère. Mais le triste constat est que, dans ce pays, on ne dialogue plus, car le dialogue a laissé la place à la loi du plus fort.

Et ce qui révulse le plus aujourd’hui, est que des militants, plus particulièrement ceux de Pastef, sont arrêtés et jetés en prison pour des motifs qui souvent n’en valent pas la peine. Ce qui a poussé des organisations de droits de l’homme comme la Lsdh, la Raddho et Amnesty à inviter les autorités, à mettre fin «aux arrestations arbitraires qui constituent de graves atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique consacrées par les textes au plan international et national». Ces droits-de-l’hommiste ont aussi exhorté les autorités sénégalaises à instaurer un dialogue franc avec toutes les forces politiques et sociales du pays, pour créer les conditions de paix et favoriser une élection libre, démocratique et transparente.

Mais le constat est que, de par les actes qu’il pose, le pouvoir ne semble pas être dans de telles dispositions. Sinon, comment comprendre qu’à un an de cette élection, qu’autant d’incertitudes puissent planer sur la tenue de ce scrutin. Aujourd’hui, nul ne sait si cette élection se tiendra à date due. Tout dépend du bon vouloir du chef qui, pour le moment, est en train de peaufiner sa stratégie.

Du fait des pouvoirs exorbitants dont dispose le chef de l’État sous nos cieux, la tentative est souvent grande de vouloir en abuser et d’imposer son agenda. «Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument», soutenait Lord Acton.

Si le Sénégal peine à amorcer de grands changements, malgré deux alternances, c’est parce que le président de la République concentre tous les pouvoirs entre ses mains et agit selon son bon vouloir.

Pour preuve, que n’a pas dit Macky Sall de Wade concernant la restriction des libertés démocratiques ? Mais pourtant, le voilà qui, aujourd’hui, essuie les mêmes critiques. Pour dire que tant que les pouvoirs du président ne seront pas restreints ,avec une séparation effective des pouvoirs, nos chefs d’État confirmeront toujours les propos de Montesquieu, selon lesquels «tout homme qui a trop de pouvoir, a tendance à en abuser.»

Tribune

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