Dans la galère des automobilistes qui passent la nuit dans leur véhicule à cause de couvre-feu

Une encoignure de mur, un carton tendu à mi-hauteur, un autre plus épais étalé sur le sol dur des pavés, une couverture de survie. Entre le bonnet et l’écharpe rugueuse en laine, un visage à la peau noire et un grand sourire résigné. A l’aise, mais quasi invisible, Ibrahima essaie de s’installer pour la nuit. A ses côtés sa femme, leur fille de deux ans et son frère. Recroquevillés derrière un pan du mur de la Station Total de Cambérène, sous un abri de fortune, Ibrahima qui a blanchi sous le harnais, a le regard vitreux fixant la fourgonette remplie à ras bord de gendarmes qui font le guet. C’est l’heure où sonne le couvre-feu instauré depuis le 6 janvier dernier. L’heure glaciale où les plus chanceux sont blottis dans la chaleur du cocon familial. Ibrahima et sa famille, eux, ont manqué le bol. Surpris par le couvre-feu à hauteur du rond-point, ils n’ont personne sur qui compter et nulle part où réchauffer leurs os glacés. En provenant de Kafountine (Ziguichor) pour Dakar, ils doivent leur sort au retard accusé par le ferry de la Gambie tombé en panne et les embouteillages sur l’autoroute à péage aggravés par une collision de trois véhicules particuliers, entre Mbour et Diamniadio. << Notre voyage a été trés compliqué. On a perdu du temps pour traverser la Gambie à cause d’une panne du ferry. Ensuite, sur l’autoroute à péage, entre Mbour et Diamniadio, on est tombé sur un accident causé par trois voitures particulières. A cause du couvre-feu, les chauffeurs se précipitent et créent de terribles accidents >>, se désole Ibrahima Diédhiou, l’air épuisé. Arrivés à la gare routière de Pikine à 20h50, M.Diédhiou et Cie ont affrété un taxi pour se rendre aux Parcelles Assainies Unité 7. Mais, manque de bol, leur taxi sera bloqué à 21h au rond-point et le groupe, la mort dans l’âme, contraint de passer la nuit à la belle étoile. << On est là avec nos bagages et notre fille de 2 ans. On est contraint de passer la nuit ici par ce que, même si les gendarmes nous libèrent, on a pas un véhicule pour rentrer. Et comme on a perdu espoir de retrouver nos couches chaudes et confortables, on essaie de s’organiser pour la nuit >>, geint Ibrahima Diédhiou, au moment où leur fille hurle à se déchirer les poumons. Moment choisit par le quadragénaire pour demander à l’Etat de relever l’heure du couvre-feu afin de permettre à tous de rentrer tranquillement chez eux à temps.

<< Une femme et sa fille de 3 ans ont passé la nuit à Bountou Pikine sur ce fauteuil >>

Chauffeur de car << Ndiaga Ndiaye >>, Demba Sy vit le même sort chaque jour ou presque. << On rencontre tous les jours des problèmes. Depuis que le couvre-feu est annoncé, je passe la nuit dans ma voiture par ce que l’heure de démarrage du couvre-feu me trouve toujours en route. Je me gare chaque nuit ici, à « Bountou Pikine » pour dormir >>, regrette le chauffeur. Selon lui, ce sont les passagers qui partent en banlieue ou hors de Dakar qui rencontrent le plus de difficultés. << Avec les embouteillages, on ne peut pas rentrer avant 21h. On est donc obligé de se garer en route avant que les forces de l’ordre nous arrêtent. Le couvre-feu nous empêche vraiment de travailler correctement. Il y a des chauffeurs qui ne font qu’un ou deux voyages par jour. C’est pour éviter d’être surpris en pleine route par le couvre-feu >>, renseigne M.Sy. Il signale que le trajet Pikine-Cambérène est la zone la plus compliquée pour les usagers. << Plusieurs personnes passent la nuit entre Pikine et Cambérène. la nuit dernière, il y a même une femme et sa fille de 3 ans qui ont passé la nuit ici, à « Bountou-Pikine ». Elles ont dormi sur ce fauteuil pendant toute la nuit, alors qu’elles devaient rentrer tout prés, aux Parcelles Assainies. Elles étaient obligées de rester là par ce que leur taxi a été bloqué par les limiers et la femme avait peur de rentrer seule en marchant avec sa fille. C’était trop risqué >>, confie-t-il. Demba Sy ajoute qu’il y a aussi un vieux routard qui a passé tout une boutique de la place. << Il y a tellement de gens qui ont vécu ce calvaire ici. Nous demandons au Président Macky Sall de fixer l’heure du couvre-feu à 00h pour permettre aux usagers de la route de rentrer tranquillement chez eux >>, sollicite-t-il avant de dénoncer : << Quand l’heure du couvre-feu approche, certains chauffeurs augmentent les tarifs. Vous imaginez un usager débourser 1000 Fcfa entre Pikine et Guédiacwaye. En plus, chaque jour, on assiste à des aggressions. Il faut que les policiers et gendarmes assument notre sécurité s’ils nous empêchent de rentrer chez nous. On passe des nuits sans manger et on ne trouve pas de blocs sanitaires pour faire nos besoins naturels. C’est inhumain. Il faut que vous transmettiez ce message à nos gouvernants.>> C’est fait !

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