Oignons Et Pommes De Terre Intouchables Sur Le Marché : Les Commerçants Dictent Leur Loi, Risque De Tabaski Sans Sauce !

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Hausse des prix des condiments durant la Tabaski

A l’instar du mouton, les condiments semblent aussi être hors de portée des consommateurs, à quelques jours de la fête de tabaski ou l’Aïd-el-kébir. Pommes de terre, poivron vert, rouge et jaune, huile, entre autres produits, sont devenus presque inaccessibles sur le marché. Reportage !

17h, ce mardi 5 juillet, l’ambiance est à son comble à Castors, l’un des plus grands marchés de légumes et condiments de Dakar. Ici, le niveau d’approvisionnement est jugé satisfaisant. Il suffit d’un simple coup d’œil pour s’en rendre compte : ail, poivrons, pommes de terre, oignons, poivre sont étalés au bord de la route. Il est même difficile de se frayer un chemin. Les différentes allées du marché sont bondées de monde. Au moment où certaines femmes se faufilent entre les étals à la recherche de poissons et de légumes frais, d’autres se livrent à l’inévitable marchandage. Le tout, dans un charivari monstre. Mais au milieu des tables, un produit semble plus abondant que tous les autres, l’oignon local. Pendant la Tabaski, la consommation de ce condiment, utilisé pour accompagner la viande de mouton, connaît souvent une véritable explosion au Sénégal. 

Portable à la main, Cheikh Diop, jeune grossiste, est allongé tranquillement sur sa chaise pliante. « Actuellement, je vends le sac d’oignon local à 9.500 F Cfa. L’oignon importé on en voit pas beaucoup on dirait qu’il est, pour le moment, gelé par le gouvernement », dit-il, le sourire aux lèvres. Interrogé sur la hausse du prix, cet originaire de Diourbel estime que ce n’est pas de sa faute : « Si je vends le sac moins de ça, je ne vais pas m’en sortir ». 

 

Un peu plus loin, dans un autre magasin, c’est le même constat. « Sur le marché, il n’y que l’oignon local et nous vendons le sac à 9.500 F Cfa. Le prix a considérablement augmenté », murmure Anta Diagne, une femme âgée d’une quarantaine d’années, vêtue d’une tenue traditionnelle. 

« Actuellement, le prix du sac d’oignon n’est pas fixe. Hier, ça coûtait 9.000 F Cfa et aujourd’hui 9.500 F Cfa, soit 500 à 550 F Cfa le kilogramme », indique Mamadou Diallo, en pleine discussion avec une de ses clientes. « J’ai reçu beaucoup d’oignons hier et j’ai commencé à vendre le sac de 25 kg à 9.500 F Cfa », renchérit son collègue d’à côté, bien installé devant son stock, guettant tranquillement les clients.

Si les vendeurs se frottent les mains avec l’augmentation « démesurée » du prix de l’oignon, c’est tout à fait le contraire chez les clientes, à l’image de cette mère de famille venue faire le marché. Elle juge énorme le coût du kilogramme de l’oignon qui est à 500 F Cfa chez certains et 550 F Cfa pour d’autres. 

« Je viens d’acheter le kg à 500 F Cfa. Les commerçants ont augmenté les prix et nous sommes obligés d’acheter parce que, partout où j’irais, c’est pareil », se désole-t-elle, considérant que les prix ont grimpé à cause de l’approche de la Tabaski : « Cette situation est dûe tout simplement à la fête qu’on va célébrer dans quelques jours ». 

 

Par contre, Adja, une autre dame venue acheter en gros parce que, selon elle, le détail ne l’arrangeait pas, risque de rentrer sans oignon ni pomme de terre. « Je voulais profiter des quelques jours restants pour acheter parce qu’on sait tous qu’à deux jours les prix vont grimper, mais il se trouve que c’est déjà fait. Le sac d’oignon local est à 9.500 F Cfa, d’habitude c’est moins coûteux et la pomme de terre est intouchable », confie cette dame, venue faire ses provisions, pour le ravitaillement pour sa famille.

 

« C’est à prendre ou à laisser » !

 

En ce qui concerne la pomme de terre, les rares commerçants qui en disposent vendent le sac à 11.500 FCfa et le kg à 600 F Cfa. « Pour l’instant, je ne vends pas de pomme de terre parce que c’est trop cher. J’ai entendu dire que le sac coûte jusqu’à 11.500 F Cfa, mais je n’en suis pas sûr. Actuellement, si je l’achète, les clients vont penser que c’est à cause de la fête qu’on a augmenté le prix. J’attends qu’il baisse d’ici la fête, sinon je me contenterais de l’oignon et des autres produits », confie Moustapha, jeune commerçant. 


Pour Habsa Barry, acheteuse, «la pomme de terre est plus chère que l’oignon et elle est introuvable. Les rares vendeurs qui l’ont, refusent de négocier : c’est à prendre ou à laisser ».

 

Au marché Castors, comme dans beaucoup d’autres lieux de commerce, la situation est presque identique pour les autres produits. Abdoul Mbaye est vendeur de piments, d’ail et de poivre. Selon lui, les prix de ces produits prisés ont également grimpé. Il affirme par exemple que le kilogramme de l’ail avoisine 2 000 F Cfa tandis que celui du poivre est cédé à 6 500 F Cfa.


« Le prix du kilogramme du poivron vert est à 1 000 F Cfa. Il coûtait 700 F Cfa auparavant. Le kg du poivron qui se vendait à 800 F Cfa, est cédé maintenant à 2 000 F Cfa. Le tas d’oignons verts qui était vendu à 800 s’achète à 1 200 F Cfa», renchérit Maty Mbaye, assise à côté de sa table garnie de condiments.

 

« 160 000 tonnes d’oignons détériorées » 

 

Président du Collège des producteurs d’oignons au Sénégal, Boubacar Sall révèle qu’une grande partie de cette production, disponible depuis fin mars notamment dans le Walo, s’est détériorée. « Elle est évaluée à environ 160 000 tonnes sur les 380 000 tonnes cultivées cette saison. Ça, ce sont des milliards de FCfa de pertes, c’est énorme », regrette M. Sall.

 

Toutefois, il rassure que pour cette fête de Tabaski, il y a assez d’oignons sur le marché. Selon lui, il y a aussi les acteurs de l’agrobusiness qui, d’après les mesures prises par les différentes parties, devraient fournir 20% de la production.

 

Quoi qu’il en soit, il trouve « raisonnable » le prix fixé par les commerçants. « Il y a quelques mois, le prix était estimé entre 100 et 110 F Cfa, aujourd’hui, il va jusqu’à 400 F Cfa, je peux dire que c’est un prix raisonnable. Et instruction a été demandée aux gens de ne pas exagérer », a ajouté le président du Collège des producteurs d’oignons au Sénégal, qui dit avoir rencontré le ministre des Collectivités territoriales, il y a quelques jours. 

 

«Des augmentations fantaisistes », selon Momar Ndao (Ascosen)

 

Pour sa part, le président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen) soutient que présentement, l’oignon est en train d’être bradé bord champ. Il trouve donc insensée cette hausse sur le marché. « Chez les producteurs, les prix sont au plus bas niveau. Les prix ne peuvent pas être au plus bas et ne pas se répercuter au niveau du consommateur. C’est inacceptable », a pesté Momar Ndao, qui parle d’augmentation « sans raison » sur le marché sénégalais. Pour lui, la crise russo-ukrainienne n’explique pas tout. « Il y a des augmentations fantaisistes qui sont réalisées au niveau de tous les détaillants alors qu’elles ne se justifient pas », ajoute M. Ndao, qui accuse le ministère du Commerce qui, d’après lui, reste le seul responsable de cette spéculation. 

 

« L’agence de régulation du marché qui dépend du ministère du Commerce ne fait pas son travail. C’est ce qui explique ce dysfonctionnement qu’il y a entre les prix au niveau des producteurs et les prix aux consommateurs », confie Momar Ndao. Il invite donc la tutelle et l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) à prendre leurs responsabilités. 

 

Pire, regrette le patron de l’Ascosen, la qualité desdits produits pose problème, au point qu’aujourd’hui, le consommateur sénégalais préfère l’oignon importé vendu sur le marché. 

« On ne peut pas encourager le consommer local sans motiver les populations à s’intéresser aux produits locaux », souligne M. Ndao. Qui pense « qu’avec ce qui se passe actuellement sur le marché, il n’y a que les commerçants et les intermédiaires qui trouvent leur compte, au moment où les consommateurs sont dans le désarroi ». 

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