Attaque de drones au Liban : le Hezbollah accuse Israël et prépare sa riposte

Le conflit indirect que se livrent Israël et l’Iran, jusque-là limité à la Syrie, menace de s’étendre. Notamment au Liban, où le Hezbollah, visé par des attaques de drones, accuse les Israéliens d’avoir changé “les règles du jeu”.

Raids aériens en Syrie et au Liban, suspicions d’attaques au drone en Irak contre une milice chiite pro-iranienne et dans la banlieue sud de Beyrouth contre le Hezbollah… l’armée israélienne est accusée d’avoir multiplié les opérations ces derniers jours contre des mouvements chiites alliés à la République islamique d’Iran. Jusqu’ici limitée au territoire syrien, l’extension de la confrontation indirecte entre Israël et l’Iran laisse craindre une déflagration régionale.

Jusqu’ici, Israël n’a reconnu que la frappe opérée en Syrie, mais lundi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé, dans une vidéo en hébreu diffusée par son bureau, que son pays est prêt à se défendre “par tous les moyens nécessaires” face à l’Iran qui agit “sur plusieurs fronts” contre lui.

Dans un contexte de tensions maximales entre les États-Unis et l’Iran dans le Golfe, l’ONU a appelé lundi les parties concernées à “une retenue maximale”.

Le Hezbollah annonce une réaction rapide

Tandis que l’Irak a condamné une atteinte à sa souveraineté, la réaction la plus virulente aux opérations imputées aux Israéliens est venue du Liban voisin. “Ce qui s’est passé ressemble à une ‘déclaration de guerre’ qui nous permet de faire usage de notre droit de défendre notre souveraineté”, a indiqué lundi la présidence libanaise, citant dans un tweet le président Michel Aoun.
Mais c’est surtout le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui a sensiblement haussé le ton, dimanche. Ila qualifié l’attaque aux drones au-dessus de la banlieue sud de Beyrouth, un des principaux fiefs de son parti, comme “le premier acte d’agression” d’Israël au Liban depuis la guerre qui l’a opposé à l’État hébreu en 2006. Le leader chiite proche de l’Iran, qui a également révélé que le dernier raid en Syrie avait fait deux morts parmi ses combattants, a promis des représailles, laissant même entendre que la riposte pourrait intervenir à partir du territoire libanais, donc directement sur le sol israélien, d’ici quelques jours.

“Le Hezbollah a menacé de répliquer parce que je pense qu’il en a les capacités”, confie à France 24 Naji Malaeb, un général libanais à la retraite et expert en stratégie militaire. “Notamment avec des drones, que ses combattants savent manier et qu’ils ont déjà utilisés en Syrie. Il s’agit des mêmes engins avec lesquels les Houthis du Yémen ont pu pénétrer l’espace aérien saoudien”.

“Beaucoup de gens semblent jouer avec le feu à un moment des plus sensibles”, et “tout autre incident de ce genre pourrait très bien déclencher une confrontation plus large”, prévient Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, cité par l’AFP.

Le Hezbollah, ciblé à plusieurs reprises par des raids aériens attribués à Israël en Syrie, où il est déployé en soutien des troupes du président Bachar al-Assad, s’est toujours gardé jusqu’ici de répliquer. Et ce, tant qu’il n’était pas visé dans ses bastions de la banlieue sud de Beyrouth ou dans le Sud-Liban, une ligne rouge maintes fois rappelée par le mouvement pro-iranien. Un principe toujours respecté, afin d’éviter d’ouvrir un deuxième front pour ses combattants, sauf lorsque des cadres du parti sont directement pris pour cible par les Israéliens.

En janvier 2015, une dizaine de jours après la mort d’un général iranien et de plusieurs membres du Hezbollah lors d’une frappe israélienne dans le Golan syrien, le parti chiite avait attaqué un convoi militaire israélien près de la frontière libano-syrienne, provoquant la mort de deux soldats israéliens. Une exception qui s’explique par le profil particulier de l’une des victimes du raid israélien, Jihad Moughnieh, fils de Imad Moughnieh, figure du parti, lui-même assassiné à Damas en 2008.

Nasrallah estime que les règles d’engagement entre son parti et Israël ont changé

Mais dimanche, Hassan Nasrallah a considéré que l’État hébreu avait changé la règle du jeu, en vigueur depuis la fin de la guerre de 2006, en opérant au Liban. Il a annoncé que ses combattants ne “permettront pas” la répétition de telles attaques au drone “quel qu’en soit le prix” et “feront tout pour les empêcher” à l’avenir.

Le 24 août, Benjamin Netanyahu avait explicitement laissé entendre que la règle d’engagement avait changé, dans une déclaration publiée sur son compte Twitter. “L’Iran ne bénéficie d’aucune immunité où que ce soit, a-t-il écrit. Nos forces opèrent en tout lieu contre l’agression iranienne”. Justifiant que son pays puisse mener des attaques ailleurs qu’en Syrie, il a ajouté : “Si quelqu’un se lève pour te tuer, tue-le d’abord.”

“La question de la riposte est acquise et bien loin derrière nous. Il s’agit de savoir maintenant quels en seront le timing, la cible et la forme”, a confié au quotidien libanais “L’Orient-Le Jour” le chef du bureau de communication du parti chiite, Mohammad Afif. Reste à savoir quelle sera l’ampleur de cette riposte du Hezbollah, forcé de réagir après les menaces publiques de Hassan Nasrallah. La presse libanaise évoque un parti chiite “placé devant le fait accompli” et se trouvant face à un exercice d’équilibriste qui doit lui permettre de sauver sa crédibilité tout en évitant de déclencher une nouvelle guerre destructrice pour le Liban.

“Le Hezbollah se trouve devant un dilemme cornélien : s’il s’abstient de répondre, il perd la face. Et s’il riposte, il ignore quelle sera la réaction de Benjamin Netanyahu et quelle en sera l’ampleur”, estime L’Orient-Le Jour.

Mardi, le Premier ministre israélien a suggéré à Hassan Nasrallah “de se calmer”, lors d’un discours à Jérusalem. “Il sait bien comment Israël sait se défendre et rendre la monnaie à ses ennemis”, a-t-il ajouté. Toujours est-il que son gouvernement a pris les menaces du Hezbollah très au sérieux, les niveaux d’alerte ayant été relevés dans le nord du pays et dans les avant-postes situés le long des frontières libanaise et syrienne.

“Jouer avec le feu”

En Israël, on s’interroge sur la stratégie d’extension du conflit avec l’Iran, même si l’omniprésence en Syrie et l’expansion de l’influence iranienne dans la région sont largement perçues comme des menaces par l’opinion publique israélienne. “Il y a beaucoup d’incompréhension dans le pays, où l’on s’interroge sur la capacité de l’armée à faire face à plusieurs fronts. D’autant plus que la situation reste instable dans le sud d’Israël, où trois roquettes avaient été tirées dimanche soir depuis la bande de Gaza”, rapporte Layla Odeh, correspondante de France 24 à Jérusalem.

“Il n’est pas dans l’intérêt d’Israël de s’attaquer au Hezbollah dans le contexte actuel, estime Naji Malaeb. C’est quand même jouer avec le feu car l’armée israélienne, qui jouit d’une supériorité aérienne et de moyens technologiques de pointe, n’avait pas besoin d’envoyer de tels drones dans des zones habitées pour recueillir du renseignement, à moins qu’elle n’ait cherché à envoyer un message ou à tester la réaction du Hezbollah”.

De leur côté, les médias israéliens, comme le quotidien Haaretz, se demandent si des considérations électorales ont joué un rôle dans cette escalade des tensions, alors que Benjamin Netanyahou vient d’entrer dans la dernière ligne droite de la campagne des législatives israéliennes du 17 septembre.

Interrogé par l’AFP, Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale de Benjamin Netanyahu, a écarté l’idée d’une influence du calendrier électoral, arguant que l’armée israélienne ne se laisse généralement pas dicter ses stratégies par les campagnes électorales. Mais il a estimé toutefois que la frappe menée en Syrie pourrait “aider [Benjamin Netanyahu] politiquement lors des prochaines élections”.

N’en reste pas moins que l’ampleur et la nature de la réplique du Hezbollah, à quelques semaines du scrutin, pourrait également peser sur les élections.

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