Farouk Ben Abess, figure du “jihadisme médiatique”, condamné à 4 ans de prison

Le Belgo-Tunisien Farouk Ben Abbes a été condamné, vendredi, à quatre ans de prison ferme pour son activité à la fin des années 2000 sur Ansar Al-Haqq, le site francophone de référence qui “incitait bien au jihad”, selon le tribunal.
Farouk Ben Abess, un Belgo-Tunisien de 32 ans jugé pour avoir administré entre 2006 et 2010 le site jihadiste francophone Ansar al-Haqq, a été condamné à quatre ans de prison, vendredi 6 juillet, à Paris. Reconnu coupable d’association de malfaiteurs terroriste, cette figure de l’islam radical a aussi été condamnée à une interdiction définitive d’entrée sur le territoire français.

Le parquet avait requis quelques heures plus tôt six ans de prison avec incarcération immédiate à son encontre. Pour le procureur, Ansar al-Haqq, loin d’être un simple vecteur de propagande, était “un outil mis à la disposition d’organisations terroristes pour recruter, voire pour communiquer”.

Le tribunal a également considéré que le site “incitait” bien au jihad, avec “une vocation de recrutement” pour le combat armé “dans la lignée de ce qu’Al-Qaïda recherchait.”

Reparti libre du tribunal – il comparaissait libre – Farouk Ben Abess, proche des frères Clain qui avaient revendiqué les attentats parisiens du 13 novembre 2015 au nom de l’organisation État islamique, sera convoqué ultérieurement pour purger sa peine de quatre ans non aménageables en prison. Mais cette peine, qui peut être contestée en appel, ne sera pas mise à exécution tant qu’elle n’est pas définitive, ont précisé ses avocats. Ses co-accusés, Nordine Z. et David R., présents au tribunal, ont été condamnés à respectivement quatre et trois ans de prison. Un quatrième homme, Léonard Lopez, parti en 2015 pour le jihad et qui serait aux mains des Kurdes de Syrie, a été condamné à cinq ans assortis d’un mandat d’arrêt.

“Une vocation de recrutement”

Ansar al-Haqqq, “les partisans de la vérité”, était “un site de référence”, explique Laurence Bindner, spécialiste de la cyber-stratégie des groupes terroristes, jointe par France 24. “Il agrégeait trois éléments. Le site stricto sensu, un forum de discussion avec différentes thématiques et une messagerie privée. Les prévenus ont été les architectes du forum pour lequel l’accès était limité aux personnes qui devaient s’identifier, contrairement au site, libre d’accès.” Les investigations ont révélé qu’à la date du 6 avril 2010, ce forum comptait 1 947 membres, dont 467 actifs selon les informations de l’Express.

“Ansar Al-Haqq était la principale plateforme de référence idéologique qui, au minimum, visait à renforcer les sympathisants du courant jihadiste dans leurs convictions”, selon Romain Caillet, spécialiste du mouvement jihadiste, interrogé par France 24. “Il a été créé fin 2006 mais s’est véritablement développé en 2007 et 2008. À partir de 2008, les services de renseignement français ont commencé à enquêter à son sujet, jusqu’en 2010, année où la première équipe qui le gérait sera interpellée. De nouveaux modérateurs prendront le relai jusqu’en 2013, puis le site sera ensuite géré par des personnes parties en zones de conflit. Ansar Al-Haqq disparaitra définitivement en janvier 2015”, précise-t-il.

“Ce type de forum existe de moins en moins”, constate Laurence Bindner. Qui précise : “Au moment des grands départs des combattants européens vers la Syrie, le mode de diffusion le plus répandu était les réseaux sociaux. Mais face aux pressions politiques, juridiques et éthiques, ces réseaux ont été de plus en plus fréquemment censurés et une migration s’est opérée vers le Deep web et les messagerie chiffrées comme Telegram.”

“Frontières floues et poreuses”

Dans ce contexte, ce procès avait-il encore un sens dix ans plus tard ? “Oui, il y a encore un intérêt dix ans plus tard, estime Laurence Bindner, car ce procès a permis de soulever les problématiques de continuum et de frontières floues et poreuses entre la diffusion de contenus, d’informations, la volonté de recruter et le passage à l’action. Les supports, les plateformes ont évolué ces dernières années mais le fond reste la même : quel est l’emprise de ce qu’il se passe en ligne sur la motivation et l’endoctrinement ?”

Farouk Ben Abbes avait demandé à être jugé au regard du contexte de cette époque où le jihad se menait à Gaza ou au Waziristan. “Je regrette énormément de choses, mais je ne veux pas non plus qu’on donne à mes actes une portée qu’ils n’avaient pas”, a t-il affirmé lors de son procès. “La culpabilité par capillarité n’existe pas : notre client ne peut être tenu pour responsable, même indirectement, des actes commis des années plus tard par certains anciens usagers du site Ansar al-Haqq”, avaient insisté ses avocats, Mes Vincent Brengarth et William Bourdon. Ce n’est donc pas ce qu’à retenu le tribunal. Si les faits sont anciens, “le recul qui est le nôtre aujourd’hui” permet de mesurer “quelle a été l’influence et l’importance d’un site comme Ansar Al-Haaq”, a souligné la présidente.

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