Inde 2019 : ce qu’il faut savoir sur les législatives indiennes

Les élections législatives indiennes débutent ce jeudi 11 avril et dureront près de six semaines. Après cinq ans de mandat du Premier ministre Narendra Modi, 900 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour déterminer l’avenir de la plus grande démocratie du monde. Le dépouillement débutera le 23 mai et les résultats seront connus le même jour. Repères.

Mode d’emploi

Les électeurs indiens se rendent aux urnes du 11 avril au 19 mai pour renouveler la chambre basse (« Lok Sabha ») de leur Parlement. Bicaméral, le pouvoir législatif indien est composé d’une chambre haute (« Rajya Sabha » ou la chambre des États fédéraux) et d’une chambre basse (« Lok Sabha » ou la chambre des peuples). Les 250 membres de la chambre haute sont élus par voie indirecte pour un mandat de six ans. Le scrutin législatif qui débute ce 11 avril permettra de renouveler les députés de la chambre basse, élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. En Inde, les législatives se déroulent selon le mode de scrutin uninominal à un tour, connu aussi sous le nom de scrutin majoritaire, car les sièges à pourvoir sont attribués aux candidats ayant obtenu la majorité des voix.

La commission électorale nationale, très respectée, veille au déroulement du vote. En raison du défi logistique que représente l’organisation du scrutin dans un pays grand comme cinq fois la France et presque vingt fois plus peuplé, la commission électorale indienne a dès le début fait le choix d’échelonner l’exercice sur plusieurs semaines. Le scrutin législatif de 1951-52 qui est resté dans les annales de la démocratie indienne comme une « première » historique, avait duré trois mois. Le souci des autorités de sécuriser les bureaux de vote en déployant les forces de sécurité dépendant du gouvernement fédéral, considérées plus fiables que les policiers locaux, explique aussi pourquoi ce qu’on appelle les « élections générales » se déroulent sur plusieurs semaines.

RFI
Enjeux

Les enjeux sont à la fois économiques et politiques. Les législatives de 2019opposent deux visions de l’Inde, celle des nationalistes religieux du BJP dirigé par le Premier ministre Narendra Modi, qui brigue un second mandat pour lui-même et les siens, et celle incarnée par l’opposition menée par le parti du Congrès, d’obédience socialiste, qui défend les valeurs de la pluralité et la laïcité.

Vue du parlement indien, à New Delhi, en juillet 2018.
AFP/Prakash Singh
Représentant d’une droite musclée et identitaire, l’actuel Premier ministre Narendra Modi est arrivé au pouvoir il y a cinq ans en promettant le développement économique et le renforcement de l’identité hindoue de l’Inde. Sous sa gouverne, la société indienne a connu la banalisation d’un discours ethno-religieux, basé sur l’idéologie de la suprématie hindoue que ses détracteurs voient comme un danger pour la diversité indienne. Modi, qui bénéficie d’une très grande popularité due à ses origines populaires et à son image de l’homme fort qu’il cultive à travers notamment son attitude martiale à l’égard de du frère ennemi pakistanais, est en train de transformer le scrutin en un référendum autour de sa personne.

Or le bilan économique de Narendra Modi risque d’être son talon d’Achille et le principal obstacle à sa réélection, du moins avec la majorité absolue dont il jouit dans la législature sortante. En effet, après avoir connu une croissance forte au cours des deux premières années du mandat de Narendra Modi, l’économie indienne a violemment pâti du fiasco de la « démonétisation » (retrait brutal de la circulation des billets de banque les plus utilisés pour accélérer la conversion des espèces en comptes bancaires) et la mise en place chaotique d’une TVA nationale pour remplacer la foultitude de prélèvements locaux. En conséquence de quoi, la croissance stagne à 6,7%, qui n’est certes pas un taux déshonorant, mais insuffisant pour générer assez d’emplois pour les millions de jeunes qui arrivent chaque mois sur le marché du travail.

A la frustration des chômeurs, s’est ajoutée ces derniers mois la grogne des agriculteurs en colère à cause de la stagnation des prix des produits agricoles et les coûts croissants des engrais et des semences. L’opposition mise sur la détresse rurale et sur le mécontentement grandissant lié au chômage pour mettre le gouvernement sortant en difficulté pendant le scrutin.

Challengers

Le principal challenger du tout-puissant Premier ministre indien n’est autre que Rahul Gandhi, l’héritier de la dynastie Nehru-Gandhi dont le destin se mêle à l’histoire contemporaine de l’Inde et à celle du parti du Congrès. Le Congrès a conduit l’Inde à l’indépendance en 1947 et a depuis gouverné le pays pendant plus de cinq décennies. Evincé du pouvoir aux législatives historiques de 2014 qui ont été remportées avec une écrasante majorité par le BJP dirigé par un certain … Narendra Modi, le parti de Nehru et de Gandhi s’est révélé être un opposant tenace aux hindouistes, d’abord sous Sonia Gandhi, puis sous le leadership de son fils Rahul devenu président du Congrès dès 2017.

Longtemps critiqué pour son manque de charisme, cet arrière-petit-fils du fondateur de l’Inde moderne, Jawaharlal Nehru, et petit-fils d’Indira Gandhi a fini par s’imposer au cours des derniers mois comme un adversaire sérieux de Narendra Modi en arrachant à son parti, lors des élections régionales de 2018, le contrôle de plusieurs États-clés du nord de l’Inde, bastion du BJP.

Le président du parti du Congrès Rahul Gandhi, ici lors d’un meeting à Gandhinagar, dans le Gujarat, le 12 mars 2019.
REUTERS/Amit Dave
L’opposant a aussi réussi à brouiller l’image du Premier ministre en lançant la controverse sur l’achat par l’État indien de 36 avions Rafale à la France en septembre 2016 à des prix largement supérieurs à ce qui avait été négocié sous le gouvernement du Congrès dans la décennie 2000. Plus récemment, il a présenté un programme électoral axé sur la lutte contre la pauvreté et l’amélioration du sort des familles les plus modestes, les oubliés de la politique de Narendra Modi qui n’a favorisé, selon le chef de l’opposition, que les riches et les puissants.

Rahul Gandhi, les leaders régionaux tels que Chandrababu Naidu, le ministre en chef de l’État méridional de l’Andhra Pradesh, la ministre en chef du Bengale Mamata Banerjee ou encore Akhilesh Yadav, le chef charismatique du Samajwadi Party enraciné dans l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord de l’Inde, sont quelques-unes des personnalités politiques influentes qui se dressent aujourd’hui sur le chemin du Premier ministre Narendra Modi dans sa campagne pour un deuxième mandat à la tête du pays. En cas de Parlement sans majorité claire, suite au dépouillement des résultats des votes, prévu le 23 mai, ces dirigeants régionaux pourraient s’allier avec le Congrès pour former le prochain gouvernement à New Delhi.

Chiffres et emblèmes

L’organisation des élections est un exercice titanesque dans un pays de 1,3 milliard d’habitants, avec plus de 900 millions de personnes inscrites, soit 4 fois plus que le corps électoral des Etats-Unis. La « Lok Sabha » compte 545 membres dont 543 membres élus, nécessitant aux formations politiques d’atteindre le seuil des 272 sièges pour former seul un gouvernement. Cette année, les électeurs indiens auront à choisir parmi plus de 8 000 candidats à la députation, représentant 1 841 partis politiques reconnus par la Commission électorale nationale.

C’est le 17e scrutin législatif organisé par l’Inde depuis la première élection en 1951-52. Il se déroulera en 7 phases distinctes échelonnées sur six semaines, avec les Etats les plus peuplés appelés à voter en plusieurs temps. Qui plus est, dans les Etats de l’Andhra Pradesh, l’Arunachal Pradesh, l’Orissa et du Sikkim les législatives coïncideront avec les élections régionales. Entre 10 et 11 millions d’agents électoraux ont été mobilisés pour assurer le bon déroulement du scrutin dans 1 million de bureaux de vote installés à travers les 29 Etats et 7 territoires de l’Union indienne. Enfin, le vote se fait par procédé électronique, avec le candidat identifié sur l’écran par le logo ou l’emblème de son parti, par exemple la paume ouverte pour le Congrès ou le lotus pour le parti du Premier ministre sortant, le BJP. Le dépouillement débutera le 23 mai et les résultats seront connus le même jour.

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