Libye: les enjeux de l’initiative militaire turque

Depuis que le Parlement turc a donné son feu vert, le président Recep Tayyip Erdogan déploie ses forces face au maréchal Haftar qui tente de faire tomber Tripoli. Une initiative turque qui pose de nombreuses questions que décrypte Hasni Abidi, le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen.

Auteur de nombreux ouvrages d’analyse sur le monde arabe, professeur associé à l’université de Genève, Hasni Abidi, est le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, le Cernam à Genève. Entretien.

RFI : Comment expliquez-vous, Hasni Abidi, cette initiative militaire turque en Libye ?

Hasni Abidi : Il y a trois raisons à cette initiative. La première est la relation importante qu’entretient le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan et son parti politique l’AKP, à la fois avec Fayez el-Sarraj, président du Conseil présidentiel de Libye, et avec le gouvernement de Tripoli depuis l’installation de M. Sarraj à la tête du gouvernement reconnu par la communauté internationale.

Le deuxième élément, c’est que le soutien de la Turquie à la Libye post-Kadhafi est ancien. Il a commencé lors des opérations occidentales contre le régime de Mouammar Kadhafi (au pouvoir de 1969 à 2011) où la Turquie avait choisi son camp en soutenant massivement la ville de Misrata et sa milice. Car cela n’avait pas échappé aux calculs turcs que la ville de Misrata disposait d’un accès important, avec son port et son aéroport, et que sa milice était considérée comme la plus importante, la mieux armée et la plus structurée.

Le troisième élément, qui est très probablement le déclencheur de ce volontarisme turc en Libye, ce sont les manœuvres entre l’Égypte, Israël, la Grèce et Chypre sur ce qu’on appelle « le forum du gaz au Moyen-Orient » où la Turquie a réalisé qu’elle était pour la première fois hors jeu dans une zone importante et stratégique. Évidemment, le seul moyen pour la Turquie d’être présente, de ne pas être exclue d’abord de cette région méditerranéenne de l’Est mais aussi d’un enjeu économique important – puisqu’il s’agit d’un gazoduc destiné à l’Europe -, c’est d’avoir un pied-à-terre dans cette région. Pour cela, il n’y a pas mieux comme zone stratégique que la Libye. C’est pourquoi le gouvernement turc a pris soin de « valider  », ou de plutôt « légitimer » sa relation avec Sarraj en signant un accord avec le gouvernement de Tripoli à la suite duquel il y a eu une délimitation des frontières maritimes.

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