Sommet européen : marchandages et résistances autour du plan de relance

Une première journée d’intenses discussions a eu lieu entre les 27 dirigeants de l’Union européenne pour tenter de dégager un compromis sur un plan de relance massif de 750 milliards d’euros, objet de résistances, en particulier de la part des pays dits “frugaux”.

Les Vingt-Sept se sont retrouvés physiquement, vendredi 17 juillet, pour la première fois depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Ils ont tenté de débroussailler les sujets les plus épineux lors du sommet de Bruxelles, concentrant une partie de leur attention sur le leader des “frugaux”, le Néerlandais Mark Rutte, l’homme à convaincre pour parvenir à un accord sur le plan de relance pour sortir d’une récession historique.

À l’image de la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE, du Français Emmanuel Macron ou encore de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ils sont tous arrivés masqués pour cette réunion qui a lieu, pour la première fois de l’Histoire, sans journalistes présents dans l’immense bâtiment du Conseil européen, en raison de la pandémie de coronavirus. “La bonne nouvelle est que personne n’a quitté la salle” de réunion, a commenté une source diplomatique. “Tout le monde est constructif”, a renchéri une source européenne.

Au menu des négociations : le plan de relance post-coronavirus, composé de 250 milliards d’euros de prêts, et surtout de subventions à hauteur de 500 milliards d’euros, qui n’auront pas à être remboursées par les États bénéficiaires.

Selon plusieurs sources européennes, ce dernier montant, qui pourrait être diminué, est au cœur des pourparlers. Ce plan de relance est adossé au budget de l’UE à long terme (2021-2027) de 1 074 milliards d’euros.

Le médiateur en chef du sommet, Charles Michel, le président du Conseil européen, a testé plusieurs variantes de sa proposition initiale de compromis, fruit de nouvelles discussions, et un nouveau projet pourrait être présenté aux experts des Vingt-Sept après le dîner, selon une source européenne.

Les pays frugaux

Les discussions s’annoncent longues et difficiles, l’unanimité des États membres étant requise. Le sommet, prévu sur deux jours, pourrait se prolonger jusqu’à dimanche. Selon la source diplomatique, les discussions ont commencé par trois sujets particulièrement cruciaux pour la suite du sommet : le montant global du plan, la façon dont seraient contrôlées les réformes entreprises par les principaux bénéficiaires des aides – essentiellement les pays du Sud –, et la question des “rabais” dans les contributions accordés aux États qui versent davantage d’argent au budget de l’UE qu’ils n’en reçoivent.

Les pays “frugaux”, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède, réclament des ristournes plus élevées. Leur chef de file, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, est arrivé à Bruxelles en estimant “à moins de 50 %” les chances d’un accord. Considéré comme partiellement responsable de l’échec d’un sommet en février consacré au budget de l’UE, c’est l’homme à convaincre. Il a eu un entretien en tête-à-tête avec Charles Michel avant le dîner.

Les “frugaux”, rejoints par la Finlande, ont émis de nombreuses réserves sur le plan de soutien qui devrait profiter avant tout à l’Italie et l’Espagne. Ces deux pays, les plus affectés par la pandémie, sont aussi considérés comme les plus laxistes en matière budgétaire par les États du Nord.

Le chancelier autrichien Sebastian Kurz a insisté sur la nécessité de savoir “à quoi serait utilisé l’argent” octroyé aux pays en difficulté. Les exigences de réformes (marché du travail, système de retraite) des États du Nord font bondir ceux du Sud, inquiets d’être contraints de se soumettre à un programme imposé par d’autres, comme la Grèce au plus fort de la crise de la zone euro.

Pour mieux contrôler les plans nationaux, contrepartie de l’argent débloqué, Mark Rutte est allé jusqu’à demander qu’ils soient validés à l’unanimité des États membres (et non à la majorité qualifiée comme l’a prévu Charles Michel).

Autre sujet délicat déjà abordé : le lien entre le versement d’argent et le respect de l’État de droit, pour la première fois inscrit dans un budget de l’UE. La Pologne et la Hongrie, qui font l’objet de procédures au sein de l’Union en raison d’atteintes à l’indépendance de la justice ou aux droits fondamentaux, freinent des quatre fers.

Dans ce grand marchandage, la chancelière allemande Angela Merkel, qui s’est ralliée à l’idée d’une dette commune, suscite beaucoup d’espoirs. Fêtant vendredi son 66e anniversaire, elle a été comblée de cadeaux : bouteilles de vin de bourgogne, chocolats belges, huile de rose bulgare et même… une baguette de chef d’orchestre.

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