Spectre des inondations dans dakar et banlieue : Entre absence de diagnostic topographique sérieux, défaut de régénération des Niayes et inexistence de puits d’infiltration…

Depuis plus d’une dizaine d’années déjà, le gouvernement sénégalais déclenche à chaque saison des pluies le Plan national d’organisation des secours en cas de catastrophe (Orsec) pour Dakar. Des milliards ont été mis à contribution, des solutions sans suite, des travaux d’aménagement qui ne tiennent pas la route.
Et si la banlieue de Dakar est partie pour vivre tous les ans des cauchemars liés aux inondations, c’est bien à cause de facteurs divers liés à des incongruités que le secteur de l’assainissement ne tolère pas. Dans cet entretien réalisé avec le Docteur Mame Cheikh Ngom, maitre de conférences à l’UCAD enseignant-chercheur, titulaire des universités (Spécialité : aménagement du territoire ; planification et gestion urbaine, en décentralisation), on voit clairement que les plans Orsec sont presque des farces répétées qui ne servent qu’à accompagner l’hivernage alors qu’il faut des études sérieuses et des réaménagements de grande envergure pour dégager les eaux et les drainer. D’ailleurs, il souligne que certaines communes ont délivré des actes, des permis de lotir, d’autres des permis d’aménagement et de morcellement sans pour autant élaborer un plan global d’aménagement.
Certaines communes ont délivré des actes, des permis de lotir et d’autres des permis d’aménagement et de morcellement sans pour autant élaborer un plan global d’aménagement

L’aménagement est au début et à la fin de tout processus de développement. Si l’aménagement tient, le processus tient. S’il y a des failles cela va se faire sentir dans le développement quel qu’en soit la nature du développement. Pour le cas de Keur Massar, il y a lieu de s’arrêter et de se poser des questions. En fait tout est parti de l’année 1996, lorsqu’on adoptait la politique de décentralisation. Les communes ont reçu des compétences comme l’examen de l’urbanisme et de l’habitat. Malheureusement, elles n’étaient pas assez outillées pour élaborer des plans d’urbanisme. Ce qui fait que certaines communes ont délivré des actes, des permis de lotir et d’autres des permis d’aménagement et de morcellement sans pour autant élaborer un plan global d’aménagement.

Keur Massar est dans l’arrondissement des Niayes. S’il y avait un plan d’aménagement global à l’arrondissement des Niayes, on aurait pu orienter toutes les coopératives d’habitat. Mais ce qui s’est passé est que chaque coopérative est venue construire sur les parcelles acquises. Par exemple, les Parcelles Assainies ont été découpées à Keur Massar et il y’a eu beaucoup de cités qui ont été créées, la Zac du côté de Mbao. Mais chaque plan d’aménagement était parcellaire et isolé. Donc il n’y avait pas de plan global qui tienne en compte l’interconnexion entre les différentes cités.

S’il y’a certains qui voulaient procéder au lotissement, d’autres qui sont dans les zones de bas-fond, vont devenir une sorte de vases communicants. Ce qui fait que les points les plus bas vont être inondés en cas de fortes pluies, d’autres vont recevoir par système gravitaire des eaux qui vont venir des autres cités.

UN DIAGNOSTIC TOPOGRAPHIQUE

La solution est unique. Il suffit de faire le diagnostic topographique pour identifier les bassins versants.

À Pikine, il y’a le bassin versant de Thiaroye et de Guédiawaye. Quoiqu’on dise, l’exutoire ne peut être que dans ces deux bassins. Soit c’est sur la façade de Yoff vers Saint-Louis ou bien l’autre façade de Dakar vers la petite côte. Thiaroye et Guédiawaye peuvent être des exutoires. Sauf que du côté de Guédiawaye, on a des lacs qui se trouvent au niveau de la grande côte : lacs de warouway, Lac Tanma, Lac de Mbeubeus, le Lac de Malika, de Mbaouane, le lac Rose, etc… Pourquoi il y a cette succession des lacs, c’est parce qu’il y a une délibération au niveau de la mer. C’est pourquoi les eaux de la pluie ne peuvent pas aller directement vers la mer. Ce qui n’est pas le cas au niveau de Thiaroye, Mbao, Rufisque, etc. il n’y a pas de lacs dans ces zones parce que l’écoulement est gravitaire, elle va directement vers la mer. Donc l’étude du diagnostic territorial doit nous montrer la présence de bassins de sorte que les dispositifs qui vont être créés par les émissaires devraient être faits conformément aux caractéristiques de ces bassins versants. Cela veut dire, qu’il faut un système d’évacuation des eaux vers le bassin de Thiaroye et un autre qui va vers les lacs comme ça l’eau va remplir les lacs.

RÉGÉNÉRATION DES NIAYES

Pour régler définitivement le problème des inondations, il faut aller vers la régénération des Niayes.

Les nuages ont besoin de ses eaux de pluie, mais il suffit seulement de les canaliser. Toutes ces eaux qui sont au niveau de Keur Massar si on arrivait à les canaliser, elles pourraient être pompées pour approvisionner la zone des Niayes. Quoiqu’on dise, on ne retrouve pas d’inondation dans la zone des Niayes parce non seulement le sable est fin, mais il y a le système dunaire

D’autre part, il faut créer de nouveaux puits qu’on appelle la zone des puits. La zone de captage est appelé zone des puits et Castors avait été appelé la route des puits.

Et c’est là où on a la nappe qui converge et affleure. Il y a ce qu’on appelle la circulation sous terraine. Les eaux convergent à Castors c’est pourquoi l’État avait créé l’usine d’eau à Castors. La zone de captage est la zone qui capte toutes les eaux de Dakar et à côté on a l’usine de la Sones qui pompait directement l’eau et approvisionnait tout Dakar.

Maintenant ce qui a provoqué ces inondations c’est qu’on a arrêté le pompage de Dakar pour emmener l’eau du Lac de Guiers.

Si on a de l’eau à la surface cela suppose que la nappe est saturée. Mais pourquoi ne pas utiliser l’eau des nappes de Dakar pour approvisionner la capitale? Malheureusement des études ont montré que la nappe a été souillée à cause de Mbeubeuss, mais on peut traiter l’eau.
Et si on arrive à traiter l’eau de la mer on peut facilement traiter l’eau des pluies. Si on utilisait cette eau, il n’y aurait pas d’inondation.

Malheureusement il n’y a plus de pompage à Dakar ce qui fait que les nappes atteignent une saturation précoce. D’autre part, il faut aussi reconnaître que les travaux de BTP ont beaucoup contribué à l’imperméabilité des sols.
On a mis tout le béton sur le sol ce qui fait que l’eau ne perfore plus et ne s’infiltre plus, parce que les gens construisent. Ils mettent du sable, du béton et après les travaux, ils ne déblaient pas. Ce qui fait que le sable est en contact avec le béton ce qui rend imperméable le sol. Que cela soit pour les travaux de maison ou pour les travaux de grande envergure comme le BRT, le Ter comme l’autoroute à péage etc…

Dans toutes ces emprises, vous avez des inondations. Et quand on construit les routes, il y a ce qu’on appelle le talus. Pour atteindre le talus, il y a un certain niveau qu’il faut atteindre pour y mettre la route. Ces revêtements font que la route est au-dessus de la surface normale avec une pente ce qu’on appelle le talus. Si toutefois vous ne mettez pas une canalisation qui accompagne la route, toutes les eaux de pluie seront déversées de part et d’autre de la chaussée. Ce qui fait que toutes les emprises seront inondées. C’est le cas de Dalifort, lorsqu’on a commencé les travaux de l’autoroute à péage, c’est le cas de Pikine, Guinaw Rails. Ces sites vont connaître des problèmes car la surface goudronnée ne permettra plus une bonne circulation de l’eau.

D’autre part vous avez l’eau qui va se déverser vers les zones d’emprise. C’est le cas de Keur Massar. Toutes les routes de Keur Massar en pavé ne sont pas accompagnées de canalisation, c’est le cas à Taly Carreau de Pikine. La conséquence, c’est la fréquence des inondations. Si vous prenez l’avenue Habib Bourguiba de Castors, vous verrez de part et d’autre de la chaussée, il y a un système de canalisation.

ABSENCE DE CANALISATIONS

Pourquoi quand on fait des routes au Sénégal on ne prévoit pas de canalisation

S’il y avait un bon système de canalisation qui longe les routes, on n’aurait pas de problèmes d’inondation. Les quantités de précipitation sont cinq fois plus intenses en Côte-d’Ivoire qu’au Sénégal et pourtant vous ne verrez pas d’inondation à Abidjan. Parce que tout simplement le système d’aménagement a prévu une canalisation qui longe les chaussées. Ceci n’étant pas, nous allons toujours vers des problèmes.

Je crois qu’il y’a des solutions pour régler définitivement le problème des inondations. Il faut que toutes les routes soient liées à des canaux, surtout au niveau de Keur Massar. Et si on prend par rapport à la topographie, on peut orienter l’eau vers la station de Thiaroye à hauteur de Tivaouane Diaksao. On peut créer une autre station au niveau de Keur Massar pour aller vers Mbao. De ce fait, les eaux vont être collectées au niveau de cette station et envoyées vers la mer. Tant qu’on n’aura pas réglé ce problème, on aura toujours des difficultés ; Le fait de faire venir l’eau du Lac de Guiers alors que nous avons déjà une nappe à Dakar, cela pose problème parce que l’eau que nous utilisons et qui nous vient du Lac de Guiers vient d’une nappe alors que notre nappe est inerte et inexploitée. Donc la quantité qui nous vient des pluies va surcharger la nappe ce qui fait que l’eau affleure. C’est inadmissible qu’on soit dans la zone des Niayes, sur le littoral et qu’on ait des inondations. Ça c’est incompréhensible. C’est parce qu’il y a un défaut d’aménagement.
Depuis 1988, on a toujours utilisé le plan Orsec. Mais ça n’a jamais donné des solutions durables. Les solutions sont très temporaires et précaires.

LE PLAN ORSEC ! Et après….

Le plan Orsec constitue à mobiliser les sapeurs-pompiers, à mobiliser les jeunes pour mettre des pompes et chasser l’eau.

Ce sont des opérations qui peuvent durer cinq mois. Le tant que dure l’hivernage. Chaque fois qu’on pompe l’eau, il pleut, elle reste en surface. Ce n’est pas une solution durable. Il ne s’agit pas toujours de jouer les sapeurs-pompiers. Gouverner c’est prévoir. Il faut mettre en place ce qui va gérer définitivement la question des inondations.

Toutes les villes où il n’y a pas d’inondations, vous y trouverez des canaux à ciel ouvert. Nous l’avons à Dakar, le canal 4. Il existe à Rufisque. Ces canaux permettent de drainer l’eau pluviale. Même si ça doit passer par des maisons et autres, il faut qu’on ait le courage de le faire et qu’ils soient bien surveillés. Si on le mettait dans chaque ville et que ça converge vers un point exutoire, le problème est réglé. Il suffit de voir les affluents.

Si on arrive à stocker l’eau, ça pourrait permettre à ceux qui sont dans les zones arides d’être approvisionné en eau en saison sèche. La solution n’est pas de dérouler des plans, il s’agit de réfléchir pour des solutions durables. Il suffit de faire l’étude topographique pour faire sortir les experts pour retracer la ville et redessiner la ville. Bientôt vingt ans le Sénégal ne parvient pas à régler la question des eaux pluviales. C’est une honte.

Toutes les grandes villes ont réglé ces questions depuis fort longtemps. À Dakar, on traine toujours alors que le plan colonial marche toujours au Plateau. Vous ne verrez pas des inondations au Plateau parce que tout est en égout. Maintenant pourquoi ne pas faire pareil ? On veut toujours se mettre dans des situations de détresse, emmener les gens à parler des inondations à Dakar pour jouer le petit mendiant pour bénéficier de l’aide des métiers. Alors qu’une discussion pourrait avoir lieu pour mettre fin à cette situation.

Je dis le Cadastre, l’Urbanisme, les Domaines, tous ces services doivent faire du mea culpa parce que s’il y avait une bonne coordination avec les collectivités territoriales, on n’aurait pas permis aux gens d’habiter dans les zones de bas-fond où dans les zones où il n’y a pas de système de canalisation…
Dakarctu

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